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La Nuit de la Toussaint – Michel Diaz (janv. 2016)

La nuit de la ToussaintLa Nuit de la Toussaint

Historique du texte (p. 13 ) :
« La version radiophonique de cette pièce a obtenu, en 1985, une Aide à la création du Ministère de la Culture et reçu le soutien de la Commission à la Direction du Théâtre Radiophonique Belge.
Elle a été diffusée sur les ondes de France-Culture le 4 novembre 1986, à 20h 30, sous le titre de L’Insurrection, dans une réalisation de Jacques Taroni, avec Souad Amidou dans le rôle du Récitant.
Elle a aussi été diffusée, la même année, sur les ondes de la R.T.B.F. et rediffusée à deux reprises, en 1987 et 1989, dans le cadre des « nuits de France-Culture ».
La version scénique de 1985, légèrement plus longue, a été lue dans différents festivals de théâtre et au Théâtre du Rond-Point des champs Elysées en 1989, à l’invitation de Jean-Louis Barrault. C’est cette version, légèrement remaniée en 2015, que nous avons choisi de reproduire ici. »

4ème de couverture :
« Le cœur de cette pièce (qui ne se veut ni « historique » ni « documentaire ») évoque les événements qui se sont déroulés dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954. L’Histoire la désigne comme « la Nuit de la Toussaint », date qui, officiellement, marque le début de la lutte armée dans la guerre d’indépendance du peuple algérien.
Nous parlons bien de « guerre », car ce que les gouvernements successifs de l’Etat français ont d’abord, non pas pudiquement, mais hypocritement et longtemps désigné sous le terme d' »événements », était bel et bien une guerre, avec son cortège d’horreurs et de morts.
Au-delà de toutes autres considérations, s’il fallait retenir une seule chose de cette pièce, qui se veut au plus près de la forme d’une « tragédie primitive », ce serait le bruit de la guerre, ce bruit inoubliable. Pas moins inoubliable que celui de la mer. Pas moins, non plus, que le territoire d’inquiétude et de solitude qu’il délimite. Et cela, à soi seul, est un sujet qui a son importance.
Mais un sujet que l’écriture poétique était à même de traiter. Dont elle devait même de s’en faire un devoir. »

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Extraits de presse :

« Bruits de fusils automatiques, de mitrailleuses, d’explosions de grenades, cris, hurlements, appels, you-you des femmes… En arrière-fond sonore, le fracas pétrifiant de la guerre, de n’importe quelle guerre, la rumeur de la violence qui monte vers son paroxysme et aussi, tout au long du texte, le silence nocturne, palpable dans les souffles retenus où monte lentement l’insurrection.
Un homme se souvient. De son enfance. De la guerre d’Algérie, de l’insurrection, des ratonades, des exécutions réciproques, de la peur, de la haine.
[…]
Le passé qui revit est en lui-même profondément émouvant. Ce qui est encore plus attachant dans cette « dramatique », élaborée avec la participation de la Direction du théâtre et des spectacles, et le soutien de la radio belge, c’est la tentative faite par Michel Diaz, et au demeurant réussie, d’ouvrir un dialogue entre la mémoire collective et la mémoire personnelle.
Ainsi, se souvenir n’est plus un vain retour sur le passé, mais recherche active d’une continuité dans la fuite du temps. »
André Alter, Télérama, 3 octobre 1986

« Une pièce (un récitant, un chœur) qui semble vouloir renouer avec la forme de la tragédie primitive. Et le sujet se prête au genre de la tragédie : l’insurrection algérienne, la guerre et le déchaînement de ses violences. […]
Ce texte, conçu initialement pour la scène, se prête volontiers au traitement sonore qu’exige une dramatique radiophonique puisqu’il en contient déjà tous les éléments. Il n’y perd aucunement en intensité. On est alors, devant son poste, comme à l’écoute du chaos qui secoue le monde, car cette guerre-là, c’est aussi l’écho de toutes les autres qui n’en finissent pas de le faire trembler.
La forme dramatique utilisée ici, « décapée jusqu’à l’os », et en rupture avec les formes plus traditionnelles du théâtre, s’apparenterait à celle du récitatif ou du poème dramatique, mais nous n’en sommes pas moins attentifs à une action dont le jeu sur les rythmes nous maintient jusqu’au bout sur les crêtes de la tension.
Dans le rôle principal de récitant, Souad Amidou, qui doit certainement renouer avec d’autres souvenirs de théâtre, puisqu’il a créé le rôle de Saïd dans Les Paravents de Jean Genet, au début des années soixante.
C’est lui qui porte le texte de Michel Diaz sur les épaules, à bout de voix, avec des accents de révolte et une émotion retenue qui nous touchent au plus profond. »
D. R., Libération, lundi 4 novembre 1986

« […] Il ne faut y chercher ni récit linéaire, ni leçon d’histoire, ni pesant exposé d’opinions politiques et dogmatiques. Rien, là-dedans, de didactique, ni personne qui se fasse porte-parole d’une autorité magistrale. Tout ce que l’auteur veut nous dire est porté par un Verbe qui tient de la rêverie extériorisée, de la réflexion à voix haute, de la dénonciation, de la profération, de la prise à témoin. Le véritable personnage de la pièce est une langue déconstruite, poétique et tournoyante, qui joue avec les repères spatio-temporels, une pensée qui suit les méandres de la mémoire, réelle ou reconstituée, et au bout du compte renoue avec l’héritage de l’éternelle tragédie humaine. »
Th. H., La Libre Belgique, 30 novembre 1986

Nouvelle édition : éditions La Simarre & Christian Pirot, 106 pages, janvier 2016

Archéologie d’un imaginaire – un peintre, Alain Plouvier – Textes de Michel Diaz (nov. 2015)

Archéologie d'un imaginaire« La peinture d’Alain Plouvier a ceci de paradoxal qu’elle s’offre d’abord au regard, spontanée, sans ambiguïté, dans une magistrale et profuse évidence, partition riche de couleurs, de lignes et de formes, en même temps que dans ses retraits de silence elle nous parle à voix secrète, comme une rumeur initiale dont il faut approcher l’oreille. Voix obscure qui, obstinément, nous questionne, mais sans brutalité, comme affranchie d’angoisse, sur notre condition liée à l’impermanence de toute chose et notre relation aux signes que défient le Temps pour nous perpétuer dans la durée du monde. Signes qui s’y enfoncent, vibrant d’une énergie première, comme les racines d’un sens universel auquel nous aspirons.
L’écriture poétique de Michel Diaz accompagne ces œuvres avec lesquelles, se faisant réceptacle des confidences, elle entre en fraternelle résonance, nous ouvrant par là même des pistes d’interprétation qui n’en épuisent pas le sens mais en éclairent les arcanes et nous permettent de plonger au cœur des ressorts mystérieux de la création. »

Format : 21 x 26 cm, 132 p.
Carnets cousus encollés à chaud
Papier condat silk demi-mat, couverture souple pelliculée
Editeur : Editions La Simarre & Christian Pirot, 4ème trim. 2015
ISBN : 978-2-36536-051-7
prix : 40 €
Genre : beau livre, art/poésie

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Extraits du texte :
Qui s’arrête pour regarder, ce qui s’appelle regarder, ne peut que remarquer, dans le chaos de ces figures, cet éruptif agencement de forces foisonnantes que le ciel, du fond de sa nuit primitive, trouve dans la nécessité dont il a conçu le dessein.
Hasard des lignes et des courbes qui ne font que servir le projet primordial de tracer d’une main d’aveugle, et dans la crevasse des temps, les signes de l’inébranlable témoignage de ce qui demandait à être. Espace ouvert aux envols d’un imaginaire irradiant qui trace son chemin, tourbillonnant. Aux bourrasques d’un geste qui ignore le repentir, dégage, libre, une écriture de faucille, et au-delà des mots, avec les doigts qui l’accompagnent dans ce qui s’invente à mesure, fait monter, jusqu’en la gorge, la cadence des mondes, aussi flexible que le chant d’une obsédante flûte astrale.

Qui s’arrête pour regarder, ce qui s’appelle regarder, abandonne le fruit de son questionnement au silence de la réponse, et vendange le vin nocturne de ses yeux.
Ainsi le veut ce qui, de son mutisme, nous traverse et descend au fond du puits de nos mémoires, comme au fond d’une bouche épargnée pour un temps du pouvoir de parole, creux de soif où repose la cendre inutile des mots.

* * *
Plouvier1Regarder, c’est pousser le volet pour regarder le ciel, la mer qui change de couleur.
Comme si s’ouvraient, sous nos yeux, les chemins silencieux du monde. Que quelque-chose nous rendait à ces rives d’avant la mémoire, à tout sable lavé de pluie, devenu fraîchement nouveau, mais riche, au plus secret, du chiffre et de l’énigme qu’y ont tracés des gestes plus patients que ceux, qu’en son retrait, improvisent les doigts de la vague.

Ce frémissement sur la toile n’est pourtant pas indifférent à la réalité des choses. Il est ce qui, du bout de ton pinceau, et d’une touche de couleur à l’autre, remonte simplement aux sources de leur nuit et à leur nudité première. Sans appréhension des quêtes futures, mais soucieux des formes à naître, ou de celles qu’on a reléguées dans le vieux répertoire des violeurs de tombes.

Aussi, les regardant, on sait que cela parle du soleil, fruit charnel sur la braise des mains cherchant du bout des doigts le pouls de la lumière. Que cela parle aussi des volutes de l’eau caressante et des paumes fluides des feuilles qui s’écartent sur son passage pour ouvrir au vent son chemin.
On devine que tout cela ne nous dit qu’une chose : être vraiment d’ici et maintenant, c’est s’unir au mystère du monde et en acquiescer le silence. En cultiver la soif.

C’est à ce prix, sachant cela, que l’on s’y perpétue. Se riant d’une éternité que le temps peint en ombre – se riant de l’oubli et de la poussière des corps.

* * *
Plouvier2Ce qui vient sous ta main t’offre l’eau de la mer, et tu lui rends ses boucles, ces spirales d’écume qui occupent et comblent un espace qui demeure pourtant léger, comme un feuillage dans le vent, ou comme bat la pluie d’été sur ses tambours de mousse.

Ce qui vient de ces ciels poissonneux, aussi bien ramené avec les nasses des pêcheurs, est ce qui, dans le rêve, habite l’eau avide des fenêtres, l’inconnu d’un chemin de neige et son silence retenu où passe la roue lente des nuages. Devant ces portes que tu ouvres, bâties de bois solide, c’est un œil solitaire que tu invites à se retourner sur lui-même et à s’ensemencer de sa propre lumière, ce qui se passe chaque fois quand, dans la nuit de ses paupières et ce qui lutte de clarté au fond de ses prunelles, on enfonce l’épée ardente du regard.

Il y en a qui restent là, et s’interrogent, gorge sèche, à qui cela fait signe et ne le savent pas, dont les cheveux voudraient flotter au vent et le cœur rouler dans les vagues, alors qu’il nous suffit seulement de savoir que dans la source de nos yeux la mer tient sa parole, et s’agenouille pour baiser le sable de nos rives, et vient jusqu’à nous sur ses mains quand on n’a plus que la voix pleine d’un silence où ne fleurissent que les mots sans leurre de sa rose de sel.

Plouvier3

Postface – Juste au-delà des yeux

Postface à Juste au-delà des yeux (Ed. La Simarre-Christian Pirot, 2013) – textes de Michel Diaz – images de Pierre Fuentes

Ce qui, en tout premier lieu, m’a séduit dans ce travail de Pierre Fuentes, c’est cette proximité amicale avec les sujets qu’il photographie, sa façon de les regarder, avec bienveillance, émotion et tendresse, qu’ils soient coings, potirons, grenades, poivrons ou tomates… Sa volonté aussi, dans le choix des angles de vue, celui des attitudes de la « pose » et le traitement de la lumière, de donner à chacun sa chance de se singulariser, de s’offrir à nos yeux en tant qu’individu unique; comme s’il s’agissait de faire le portrait de personnages humains. Et, en effet, le regard de l’artiste « humanise » ces « choses » (qui, tout autant que nous, nous rappelle-t-il, naissent, vivent et meurent, semblent souffrir aussi), en fait des êtres à part entière au sort desquels nous ne pouvons rester indifférents.

En cela, nous avons affaire ici à ce qu’il ne serait pas abusif d’appeler des « natures vivantes ».

L’intérêt, en deuxième lieu, de ces photos dont aucune d’elles ne fait redondance par rapport à celles qui redoublent le modèle ou exploitent un autre de même nature, intérêt qui participe de leur esthétique, c’est le travail de « mise en scène » opéré à partir, ou autour de la plupart de ces individus-sujets. Exercice de « dramatisation » qui fait de chacun de ces « personnages » l’acteur d’une histoire où il tient le premier (et presque toujours unique) rôle, et l’assure avec fermeté.

Que nous soyons dans le registre de la méditation, prière, voire contemplation, dans ceux du drame ou de la tragédie, ou d’une autre forme de violence, c’est toujours, en fin de compte, par le truchement de la mimesis, à une confrontation avec notre condition de vivants que nous sommes conviés, au constat des ravages du temps et au spectacle de la destruction qui, métaphoriquement, ici, en propose les actes, de l’exposition jusqu’au dénouement, où nous reconnaissons que vie et mort sont jumelles et complices indestructiblement mêlées.

Face aux sujets représentés sur ces images , en vérité face à nous-mêmes, nous ne pouvons, me semble-t-il, qu’essayer de poser des mots sur nos propres angoisses et incertitudes, nos propres interrogations, y chercher des chemins plus profonds, d’apaisement et de sérénité. Et ces images-là, soyons-en sûrs, nous aident à ouvrir ces pistes.

Michel Diaz

Juste au delà des yeux – Michel Diaz – Pierre Fuentes (mai 2013)

 

 

         JUSTE AU-DELÀ DES YEUX, images de Pierre Fuentes, textes de Michel Diaz 

Editions Christian Pirot, Joué-Lès-Tours, 2013

     Extraits de l’ouvrage

Solitaire

elle se tient là

dans le temple pur du silence

présence radiante

jumelle de la lune pleine

de l’énigmatique matière des rêves

accordée avec l’univers

étoilée de sa résonance

à ce moment précis de l’aube

où s’immobilise sur l’horizon

la balance exacte du temps

                                                                           (Courgette, p. 18)

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Fruit tombé de la branche

comme un astre obscurci de vertige

sa lumière nous fut parfum

source de couleurs qui abondent

Mais d’où venu ?

sinon de bien plus loin que les profondeurs du sommeil

et déjà retourné au velours de l’amoureuse nuit

qui tient entre ses mains

le cercle imperturbable

du recommencement

                                  (Pomme noire, p. 50)

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Lampe frêle

veillant au seuil de la pénombre

sur ce qui lentement s’avance

nous parlant d’une voix sourde et pure

Nul oiseau pour venir piller

un trésor si fragile

ni tintement de l’heure

sur le cristal du temps

Lampe tendre

veillant comme un fruit

à jamais réfugié sous les branches

de la dernière nuit

donnant à voir le livre ouvert

sur ce qui se consume

avant que d’être lu

                                                (Poire rouge, p. 70)

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