Archives de l’auteur : Michel Diaz

Au risque de la lumière – Jean-Pierre Boulic

Michel DIAZ et Léon BRALDA – Au risque de la lumière
Éditions Alcyone 2023 (72 p ; 18 €)

Lecture de Jean-Pierre Boulic

Il y a peu, Michel Diaz venait nous partager un cri du cœur avec le beau recueil « Quelque part la lumière pleut » chez ce même éditeur. Nous le retrouvons en compagnie de Léon Bralda afin de nous inviter à assumer « Le risque de la lumière » qui se défait de « l’ordre pesant du langage » dans un dialogue fécond et bienfaisant, incitant le lecteur à un véritable discernement.

Tout s’établit dans l’obscur d’un monde tordu qui se morfond sous « les gravats des jours », dont l’absurde somme chacun de n’avoir pas de temps, de manière à imposer alors à consommer, s’abreuver de jouissance ou…de violence, pour conduire de fait « à la nuit d’infinies solitudes ». Il est certes de bon ton aujourd’hui de deviser sur les blessures de ce monde, mais doit-on s’en satisfaire ? Ne s’agit-il pas a contrario de l’écouter et lui parler ? Lui suggérer une voie de confiance ? « Faut-il donc sans cesse tout réinventer ? »

Si l’on peut rappeler que la poésie se veut service inutile et pourtant indispensable, la lecture « risquée » de cette nouvelle rencontre-en-poésie donne à quiconque la faculté de défricher quelque peu « la lumière exacte de son humaine destinée…».

Oui, l’homme toujours marchant – car la route s’accomplit par sa marche – et marqué par le mystère de la vie, est appelé à sa propre aventure. Quel bleu voir surgir au-dessus « des vergers et des vignes » parmi « l’air rugueux » ? Le sujet de la poésie n’est pas d’inventer. Mais tout conduit à dépasser les apparences et à porter un autre regard sur les contingences. Quelle force de détachement se pourra exulter avec le poème vers « un avenir d’étoiles » ? Pour cela, faut-il « aller toujours plus haut, toujours plus loin » ?

N’y a-t-il pas seulement à chercher « ce qui a raciné aux estives des mots » dans l’urgence de la terre-poésie, « terre d’éveil » à « l’immensité des vies… » ? Nécessairement, se feront jour l’insaisissable, l’imprévu, l’inconnu, l’impensable, l’invisible, mais la « persévérance de l’herbe » penchera du côté de la jubilation où la quête de l’humain reconnaîtra finalement le temps gratuit de la joie, la douceur du passage, la fluidité du jour pour conquérir « un espace infini ». L’espoir qui a été semé dans l’obscur va germer.

                                                        Jean-Pierre Boulic

Marie-Claude San Juan – Notes de lecture, in « Trames nomades » (18/08/2023)

Avec l’éditorial du numéro 85 de DiérèseArcanes du poème, je retrouve une écriture que je connais bien, puisque c’est Michel Diaz qui écrit.

En exergue, Henri Thomas (Le besoin d’écrire est premier). L’expression, ensuite, résultant aussi du hasard, d’après l’auteur cité.

Michel Diaz ne nous invite pas à nous interroger sur la source de ce besoin d’écrire, recherche, dit-il, qui serait illusoire. Car…  Il est, ou il n’est pas

Par contre il relie la démarche d’écriture (et d’existence) au désir archaïque de fissurer ce qu’on nous a appris à concevoir de la réalité du monde. Opposant regarder (qui ne suffit plus) à voir (qui ne se fait qu’avec nos yeux de l’intérieur), il rejoint ce que Michaux nomme, rappelle-t-il, espace du dedans, ou ce lieu où Werner Lambersy voit la possibilité de l’immensité. Je comprends ce qu’il met dans cette opposition entre regarder et voir. Une exigence de profondeur, possible selon la part de soi qui s’offre à la perception visuelle, volonté de nommer pour distinguer et dire une bascule de conscience, en quelque sorte. (Et c’est vrai que voir est étymologiquement de la nature de ce que Rimbaud cherche, se faire « voyant »). Même si, pensant à la photographie (qui capte, ou qui reste un geste mental) je mets, pour ma part, dans le verbe « regarder » une force de présence qui fusionne avec ce qui est de l’ordre de la captation par ces yeux de l’intérieur. Mais ce sens n’est pas toujours dans les emplois du mot, c’est vrai.

Ce qui intéresse Michel Diaz c’est une ouverture, un élargissement permettant à l’esprit d’accueillir le hasard, et (cette fois c’est une autre écoute dont il s’agit) il évoque l’équivalent des yeux de l’intérieur, ce qui serait l’oreille intérieure, capable de laisser surgir ce qui émane du silence d’avant la parole.

Pour faire comprendre exactement la dimension qui est en jeu, là, il reprend l’expression de Reverdy, état poétique. Et cite Jacques Ancet, qui ne séparait pas intensité de langage et intensité de vie.

Forger le poème, écrit-il, c’est aller nécessairement de l’obscur vers le sens. Là je retourne en arrière dans son texte. Forger, je pense au feu. Or il a utilisé l’expression matière-lave pour qualifier la substance insaisissable de cette opération de soi créant. Je traduis : alchimie. Et une transformation alchimique échappe au sujet, refuse les normes, accepte le désordre : Le sens, en fait, vient déranger un ordre qui échappe à toute raison. Ce qui compte, comme le dit Marina Tsvetaïeva, citée, c’est la résonance. Et comme, le rappelle-t-il, c’est inscrit dans les Illuminations de Rimbaud.

Pour Michel Diaz le poème est affaire d’âme.

Mais j’ai lu aussi avec intérêt, dans le N° 86 de Diérèse, les pages de Michel Diaz sur Jean-Paul Bota. Ce qui l’interpelle dans l’écriture de ce poète c’est qu’elle le mette en face de ce surgissement énigmatique, de cet impondérable qu’est la poésie, parce qu’il ne veut pas faire poésie. Au début de sa réflexion Michel Diaz a cité Henri Michaux, qui ne trouve pas particulièrement de la poésie dans les poèmes, mais dans n’importe quel genre, soudain élargissement du monde. Et Michel Diaz est plutôt d’accord avec cette affirmation. Moi aussi, pour une raison. Qui est que trop de textes ne correspondent pas à une nécessité, et je serais tentée d’ajouter, nécessité métaphysique. Ou, autre souffle incontournable, à une évidence d’ordre presque physique. Cri ou chant des viscères. Poursuivant ma lecture je trouve dans ce texte une mention de Thelonius Monk qui rejoint ce que je viens d’écrire : une force qui le guide, qu’il exsude chaque fois qu’il se met au piano. Puis il cite Keith Jarret, pour rapprocher la création de Jean-Paul Bota du même processus d’improvisation. Peut-être que ce qui peut me déplaire (et déplaire à Michel Diaz) dans certaines œuvres, en poésie, c’est qu’elles mentent. Or la musique ne le peut pas, ni la danse, comme c’est possible avec les mots qui peuvent masquer l’absence de source authentique, de nécessité.

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L’empreinte Matala – Teo Libardo

L’empreinte Matala

Teo Libardo

Rosa canina éditions (2023)

L’empreinte Matala (du nom de ce petit village de pêcheurs, en Crète) est un livre à l’écriture incandescente, aux mots jetés comme des poignées d’étincelles, pour célébrer la vie, la liberté, la beauté du monde, le bonheur d’exister. Un livre en forme de carnet de voyage, mais encore et surtout long poème, tout autant narratif qu’introspectif, où la mémoire de ces temps de jeunesse insouciante, inconsciente et fervente, demeure le creuset où s’est à tout jamais formé le projet de toute une vie.

En effet, ainsi que nous le dit la quatrième de couverture, « Ce livre est l’archéologie d’une éclipse intérieure. Il y a dans le récit l’air du temps, la route, le changer la vie. Il y a dans le poème les traces laissées aux profondeurs de l’être, ce qui se révèle aujourd’hui à l’auteur comme L’empreinte Matala, et n’a cessé d’affleurer dans ses engagements de vie. »

« Il ne faut pas changer le monde, mais il faut changer la vie », cela doit à Rimbaud à qui Teo Libardo emprunte pour un temps les « semelles de vent », l’air ivre du voyage et la rage de se défaire d’une vie que l’on a programmée pour nous, de ses liens et carcans qui n’en font que la triste reproduction des pensées et des certitudes, des habitudes et croyances apprises. Mais nous pourrions aussi bien penser à la poésie de Kérouac et à ceux de la « beat generation » (que l’auteur ne semblait pas avoir lus à l’époque de son voyage initiatique), dont la philosophie de vie avait, dans les années soixante-dix, air du temps oblige, déjà largement irrigué toute une génération de jeunes gens désireux d’en finir avec ce monde ancien dont on ne pouvait en effet qu’être las.

Pourtant, ici, nous ne trouvons pas trace d’un quelconque engagement/embrigadement dans la mouvance « écolo-socio-politique » de ces années-là, mais rien qu’un amical et lointain salut aux hippies partisans de l’idéologie du « peace and love » (rappelons au passage que Bob Dylan, Cat Stevens et quelques autres ont aussi séjourné à Matala à l’époque du « Flower Power »). Fondée sur la même base contestataire d’une société obsédée par sa fièvre consumériste et pervertie par ses dérives individualistes, la démarche de vie de l’auteur se rattache, pour ce qui le concerne, à une conception dionysiaque du monde, essentiellement poétique, attachée à l’ardente célébration des éléments et du vivant, et utopiquement, à une vision édénique des origines: Tu tiens dans tes mains la naissance du monde, / en offrande la nuit, / la nudité des fluides, / le soupir des elfes, / l’invention du désir, // tu portes dans tes bras la racine des peuples, / l’inactuel, la raison, la folie, […] tu  détiens dans ton feu le flux irréductible, / le rythme, le roulis, / l’origine des temps, / dans tes paumes ouvertes, / en creux – les sources vives.

Aussi, loin d’être un livre dans lequel l’auteur cultiverait la nostalgie de sa jeunesse, sa découverte émerveillée, ou plutôt la révélation d’un monde pur et comme préservé encore de toutes les atteintes qui le mettent à mal, cet ouvrage se révèle, au moment où nous écrivons ces lignes, d’une bien salubre nécessité. Il n’est pas très utile de remonter à Nietzsche et à ses propos, non prophétiques mais terriblement lucides, pour avoir la conviction que nos sociétés, en premier lieu la nôtre, ayant rompu leurs liens avec les mythes fondateurs et la nature, courent droit à leur perte. Non, pourtant, aucun retour nostalgique sur soi-même et ces jours d’euphorie , mais des pages embrasées d’une joie solaire où l’auteur ne fait qu’entretenir le feu qu’alluma sa rencontre avec les valeurs essentielles dont nous avons, pour la plupart, perdu le sens et l’usage : Le monde me parvenait intact. / Nul écran entre lui et son usage, / sa compréhension / son aimantation, / ses épreuves cycliques, / nuits infinies, / étoiles désuètes, / sa sensualité d’eau vive…

Nous sommes ici dans les parages de Thoreau, de Giono, de quelques autres aussi conscients de ce qu’il nous aurait fallu préserver, et tout à fait dans l’esprit de ce que le poète-peintre Jean-Pierre Otte ne cesse de nous dire de livre en livre et je me contenterai de n’en citer qu’un, intitulé La bonne vie, où son auteur écrit : La bonne vie, c’est le présent merveilleux d’un homme qui en a fini avec l’espérance et toutes les nostalgies. Car pour Otte, il s’agirait tout autant de s’enraciner dans l’être que de se détacher, se dépayser, et d’aller au hasard. Et qu’au contraire de la solitude que l’on subit, cloisonnée, asséchante, en peau de chagrin, voilà celle, prodigieuse et profonde, que l’on choisit en optant en compagnonnage pour sa propre présence dans la jouissance même de la vie.

         Autrement dit, « la bonne vie » serait tout ce dont nous ne savons pas, hommes de notre époque ou avons oublié, c’est-à-dire trouver la bonne voie (individuellement et collectivement) pour en jouir, tout ce aussi dont nous sommes présentement privés, et on ne sait plus trop pour quelle durée. Car, écrit encore Otte, le monde est la proie des détenteurs de vérité, des dictateurs de conduite, de ceux qui tentent d’emprisonner les vérités permanentes de l’être dans un système de pensée qui n’a de cesse d’occulter notre vraie vocation sur cette terre.

Et quelle est cette vocation, que partage tout aussi bien Teo Libardo qui s’affiche ouvertement « libertaire » ? Sinon celle d’acquérir, pour chacun d’entre nous, comme le préconise Otte, la certitude d’exister à titre d’exception, travailler à ne pas être n’importe qui dans un monde où les gens sont n’importe quoi, se convaincre aussi que nous sommes des arbres ambulants, des arbres baladeurs avec leurs racines rentrées, puisant à chaque printemps leur sève dans la nuit et l’abîme ?

A la lecture de ces livres on pourrait éprouver le sentiment amer que ces auteurs nous parlent d’un monde disparu, d’un autre dont, peut-être, nous ne connaîtrons jamais l’avènement. Que peut-être, comme l’écrit Patrick Corneau, « l’hédonisme léger, insouciant, confiant dans la puissance d’enchantement du monde, ne reviendra plus, ne relève plus que de l’élégie littéraire. »

Nous en déciderons, et certains de nous travaillent à déjouer ce sombre sentiment. Que ma joie demeure, c’est l’un des titres de Giono que Teo Iibardo aurait tout aussi bien pu choisir, car la gageure démesurée, à laquelle il n’a pas renoncé, serait de retisser en profondeur nos liens avec le monde et toute la complexité de l’univers, de renaître à une autre vie en buveurs de vent, ivrognes de la fluidité, partisans inconditionnels du prodige ordinaire de vivre. C’est en cela que cet ouvrage peut s’inscrire dans une très utile modernité. Mais quoi qu’il en soit, voilà en tout cas bienvenu, avec L’empreinte Matala, un beau livre dont le propos (si on le lit bien) peut paraître on ne peut plus grave, mais tout de même bien revigorant, véritable bouffée d’écriture puissante et toujours jaillissante, en ces temps de profonde inquiétude sur les dangers qui nous menacent et de grande incertitude sur le sort de l’homme.

Michel Diaz

La troisième voix – Isabelle Lévesque & Pierre Dhainaut

La troisième voix

Isabelle Lévesque – Pierre Dhainaut

L’Herbe qui tremble, 2023

Note de lecture à paraître in Concerto pour marées et silence, revue, N° 17, déc. 2024

         Commençons par ces deux citations qui se trouvent au début de l’ouvrage. Deux voix en dialogue. Celle-ci : La neige fond, à dissocier l’armée / des graminées confondues. /// Je t’attends hors champ. Puis celle-là, qui prolonge la précédente : Les souffles sont fidèles, / ils font trembler les pierres / autant que l’herbe.

         Nous savons quelle complicité poétique lie, depuis bien longtemps, ces deux poètes. Une complicité qui se prolonge dans ce livre, « écrit à quatre mains » où chacun des auteurs, écoutant le poème reçu de l’autre, a écrit un autre poème qui en appellera à son tour un nouveau. Car « il n’est pas vrai, ainsi qu’ils nous le disent dans la quatrième de couverture, que l’écriture est une activité exclusivement solitaire : lorsqu’elle est pratiquée en commun, elle affine l’attention, la relance ». Ainsi, cette conjugaison de voix ouvre-t-elle, dans l’espace de la lecture, la possibilité d’une « troisième voix », au-delà de la singularité de chacun des poètes, en rendant plus poreuses les frontières de leur identité.

         Accompagné de quelques peintures de Fabrice Rebeyrolle qui traversent le livre, paysages criblées de lettres mais messages indéchiffrables, couleurs-matières puisant à la matière même des poèmes, La troisième voix est un beau recueil où la dentelle des mots d’Isabelle Lévesque et ceux de Pierre Dhainaut  tissent une toile qui nous conduit au cœur du monde sensible propre à chacun d’eux, nous introduit dans les arcanes de la poésie – mieux, dans la démarche d’un livre en train de se construire, dans « les forges du faire » – avec ses imprévus, sa part d’inconnu et de hasard, nous rendant d’autant plus perceptible l’élan créatif, ce souffle qui se hisse jusqu’aux mots et se fait voix dans le poème.

         Pierre Dhainaut écrit, dans sa postface à l’ouvrage, qu’ « un lecteur découvrant ce livre n’a pas à se soucier de savoir qui a écrit cette page, qui la suivante ». Et sans doute a-t-il raison quand il ajoute aussitôt « Chacun ne devient lui-même qu’en restituant à l’autre, transfigurés, les dons qu’il a reçus ». Et en effet, même sans chercher à restituer ce qui revient à l’un ou est attribuable à l’autre – puisque dans l’acte de lecture de ce livre cela n’importe plus –, l’écriture d’Isabelle Lévesque et celle de Pierre Dhainaut, tout en se répondant et s’enlaçant de page en page, se confondant même quelquefois, sont bien celles de l’une et de l’autre, avec leur souffle singulier, leur rythme leur musique propre, leurs couleurs et leurs thèmes. Nous retrouvons Isabelle Lévesque dans la fulgurance de ses images et dans la relation comme électrique de ses mots, ces expressions premières, sonnant parfois comme des sentences parlées par quelque bouche d’ombre d’où jaillit cet élan sonore qui à la fois donne naissance et fervente impulsion au reste du poème qui semble se dérouler de lui-même, comme nous reconnaissons aussi Pierre Dhainaut dans les textes qui sont de sa plume, sa voix et ses intonations, son attention aux mots, ses questionnements et ses réflexions sur le métier de poète, son regard sur les choses, et cet élan vital qui est le nerf principal de toute son écriture. Ecritures identifiables donc, pour peu que l’on soit attentif à leurs inévitables singularités, mais différences nécessaires pour que jaillisse justement cette « troisième voix », comme deux couleurs mélangées en donnent une autre, différente, ou comme deux notes de musique sont nécessaires pour produire un accord.

         Et ce sont cet accord et cette autre couleur qui ajoutent au livre cette dimension de « chambre d’écho », dé résonance et de vibration dont on prend un extrême plaisir à entendre les multiples variations. On voit alors ces textes avancer sur un fil qui s’invente sans cesse, mais laissant, sur le point d’équilibre, les poèmes poursuivre en secret leur travail.

         Marcher, marcher jusqu’à rendre identiques / un soir de grand vent, un matin de neige, / le chemin qui conduit sur la falaise… écrit Pierre Dhainaut.

         A quoi Isabelle Lévesque répond, ou ajoute, ou complète : Suspension, la ligne de la falaise / appelle le funambule, pour marcher / nous sommes tentés d’accrocher le ciel.

         « Comprendre, écrit encore Pierre Dhainaut, dans sa postface ce n’est pas se contenter de faire écho, c’est accroître. » Entrelacs et répons incessants, voix croisées et complices, à l’écoute de leurs silences. Et s’appuyer ainsi sur l’autre voix nécessite confiance, comme on a confiance dans la barre d’appui qui non seulement vous retient mais vous guide : alors, tenté(e) d’accrocher le ciel, de (se) pencher au-dessus du vide, l’une des voix s’écrie : dis-moi, dis-moi, oser / oser entendre, oser entendre une réponse.

         Marcher alors, en quête de réponse, sur ces « chemins qui ne mènent pas », pour reprendre un titre de Jean-Louis Bernard. Qui ne mènent pas ?… « Ici, nous dit Pierre Dhainaut, n’est pas un mot d’avares / Ici est transparent, il s’ouvre / il dit l’autre monde en ce monde. »

         Et voilà de ces mots qui redonnent confiance et élan, ouvrent chemin en terre de poésie vers un « autre monde » que les auteurs entrebâillent de page en page, mots qui tombent et se consument tout en emplissant la mémoire et ajoutant au silence pour nous aider à prendre possession de ce qui nous appartient depuis toujours. Mot qui dit l’aube avant de la rejoindre. Mots de poètes, qui nous accompagnent et nous aident à avancer vers ce peu de lumière promise à l’horizon des jours.

         Michel Diaz