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L’Histoire de la brume – Stuart Dybek

StuartDybekL’HISTOIRE DE LA BRUME
Stuart Dybek
Editions Siloé (2008)

Traduit de l’anglais et présenté par Philippe Biget

Chronique publiée dans le N° 48 de la revue Chemins de traverse (juin 2016)

« Né à Chicago en 1942, dans une famille d’origine polonaise, Stuart Dybek enseigne la littérature et le cinéma à la Northwest University de Chicago.
Bien qu’encore peu connu en France, il est considéré aux Etats-Unis comme un grand nouvelliste. Pour l’une de ses fictions, il a remporté le fameux O. HENRY AWARD (1985) et, en 2007, pour l’ensemble de son œuvre, deux prix d’importance nationale, le MAC ARTHUR FELLOWSHIP et le REA AWARD. » (4ème de couverture)

« The Story of Mist, ici présenté sous le titre L’Histoire de la brume, a été publié en 1993. Il s’agit d’un recueil exclusivement constitué de textes courts, parfois des poèmes en prose, des fragments insolites influencés par notre surréalisme ou des histoires de forme plus conventionnelle. Mélange intentionnel car, bien que chaque texte se suffise à lui-même, leur juxtaposition permet d’associer le lecteur à la composition, le laissant établir les relations de son choix entre différentes pièces du recueil. Susciter une lecture interactive, comme un rêve attend un rêveur, pour reprendre une formule extraite de « Brouillard », voilà bien l’une des ambitions de l’auteur. »
Comme l’écrit encore le préfacier, « ce qui cimente les agrégats disparates, c’est leur genèse, souvent fruit de flashs mémoriels. » Le regard du conteur, attentif à décrire parfois les détails les plus anodins (en apparence) de la réalité, comme, par exemple, les couleurs et l’étrange géographie d’une contusion sur la chair d’une cuisse, s’applique à estomper les frontières entre rêve et vie éveillée, entre songerie et observation attentive, entre souvenirs véritables et scènes reconstituées selon les caprices de la mémoire, comme s’il doutait que ce fussent là deux mondes qui s’ignorent ou, en tout cas, auraient leur mode propre de fonctionnement.
Ainsi nous maintient-il, de page en page et d’un texte à un autre, dans cette ambiguïté qui nous fait douter de la valeur et de la vérité de nos perceptions sensorielles. De même, son travail sur ce que la mémoire nous restitue d’entre le chaos de nos souvenirs, images fragmentaires et lambeaux de scènes vécues, qu’on pensait oubliées, « peut l’amener à retracer les mouvements de conscience les plus subtils, ce magma de pulsions en apparence dénué de sens mais qui forment, nous le savons bien, l’essentiel de notre vie intime. »
Enfin, la langue de Stuart Dybek, qui mêle étroitement des éléments de prose narrative, descriptions minutieusement réalistes et pure poésie, est de celles qui déposent sur nos lèvres les échos d’une savoureuse et subtile musique et, dans l’esprit de son lecteur, ce trouble dans lequel nous laissent, comme chaque fois qu’on nous y renvoie, le mystère des êtres et l’énigme de vivre.
Ainsi, ces lignes où Dybek se contente de nous décrire un homme en train de se raser devant sa glace : « Un homme se rase, avec précaution, à petits coups afin de compenser l’instabilité de sa main. […] Contrairement à son père, l’homme ne s’est jamais coupé au cours des nombreuses années pendant lesquelles il a perfectionné l’art de se raser de plus en plus près. Mais ce matin, alors qu’il rince les restes de mousse, son visage a disparu. Le miroir ne reflète plus qu’un sourire qui ressemble plutôt à une grimace, un sourire qui serait le dernier vestige d’une plaisanterie, et qui reste en suspension comme une fumée là où la nécessité d’un avenir s’est effacée. »
L’ayant lu, nous pouvons rejoindre sans mal Alice-Catherine Carls qui, dans une note de la revue Poésie/première, écrit que « magicien des mots, des images et des dialogues, Dybek les fait résonner dans la mémoire du lecteur où ils forment des passages souterrains propices à un ancrage/encrage durable. » Un ancrage dont seuls sont capables les textes qui, nous approchant au plus intime de nous-mêmes, nous confrontent à nos vertiges.

Michel Diaz. 01/04/2016

L’Amour brûle le circuit – Alain Borne

L'amour brûleL’AMOUR BRULE LE CIRCUIT
Alain Borne
Editions Fondencre (2015)

Edition commentée par Philippe Biget et Anthony Burth

J’ai déjà eu l’occasion, dans les pages de ce blog, d’évoquer le parcours d’Alain Borne. Je me contenterai de rappeler que, né en 1915 dans l’Allier, Alain Borne a passé l’essentiel de sa vie à Montélimar où il exerçait le métier d’avocat. Il publie ses premiers recueils en 1939 (éd. Jean Digot), 1941 (éd. P. Seghers), 1942 (Cahiers du Rhône), 1943 (Ecole de Rochefort), et atteint, durant les années d’après-guerre, fort de la reconnaissance de poètes comme Aragon, Char, Jaccottet, Seghers, une très appréciable notoriété. Il est alors publié par de grands éditeurs (R. Laffont, Gallimard, Rougerie), mais son éloignement de la capitale et des cercles littéraires le plonge dans un oubli relatif. Il meurt en 1962 dans un accident d’automobile. Depuis une quinzaine d’années, une regain d’intérêt pour son œuvre a suscité de nombreuses rééditions.
« Afin de contribuer à la célébration du centenaire d’Alain Borne, Fondencre réédite en un seul volume quatre titres représentatifs de l’écriture des dernières années du poète. Après L’amour brûle le circuit qui donne son titre au présent recueil, on pourra lire ou relire Encres, Les fêtes sont fanées et La dernière ligne. Ces poèmes sont complétés par la publication d’extraits de son journal intime qui permettront au lecteur de mieux percevoir l’univers psychologique et littéraire de ce poète au lyrisme si singulier. » (4ème de couverture)

Comme l’écrit Philippe Biget, dans sa préface au volume, « les trois thèmes qui dominent l’œuvre poétique d’Alain Borne (l’amour, la mort et l’écriture) imprègnent les textes ici réédités. Trois thèmes qui ne doivent pas être appréhendés isolément car ils ne cessent de se mêler, de s’entrechoquer, de se chercher, de se rejoindre au travers de maintes porosités, conférant ainsi à l’œuvre un parfum si reconnaissable. J’ai parfois évoqué le triangle mythologique Eros/Thanatos/Orphée qui, me semble-t-il, est la meilleure clé d’accès à l’univers bornien. »
Cet univers est, ici, d’évidence, celui d’un homme tourmenté, obsédé par la mort et l’inévitable néant qui la suit, d’un poète désespéré doutant de lui et de son art, ne parvenant pas à trouver en lui la lumière de son salut. Certes, on remarque, dans ces vers, ce qui subsiste d’émerveillement devant le spectacle du monde, les sursauts d’un désir de vivre qui implore encore l’amour, cette pulsion de l’être vers un(e) autre qui lui fera encore
Trouver enfin des yeux
que seul je puisse remplir,
mais, heure après heure,
Le sang fraîchit comme le jour
quand le soleil s’en va du vent
et qu’un manteau de froid
souffle aux épaules.
Plus loin, le préfacier se demande si, d’abord « viscéral, ce mal de vivre enraciné au plus profond de lui, peut devenir « existentiel ». « Comment, poursuit-il, se produit le mélange d’auto-thérapie » que peut être la prise en charge de notre condition d’êtres-pour-la-mort, et « de pulsion créatrice propre à transcender le « mal être » ? » Et il ajoute : « Philippe Jaccottet commentait ces questions fondamentales de la façon suivante au cours de son allocution du 9 novembre 1963 : « … le seul fait qu’Alain Borne ait pu transformer cette constatation terrible en une image mystérieuse, qui est comme une vision, une ouverture sur le monde, suffit à l’élever au-dessus du désespoir qu’elle semble contenir, et représente encore un triomphe de la beauté sensible du cœur. »
Vie et mort, enlacées dans la même fascination, portées à bout de bras dans le même poids de tourment et la même rage impuissante, on voit bien ici comment le poète, entre désir de vie et désenchantement, entre élan de vaine espérance et sursaut d’exorcisme, cherche à donner à ses si simples mots ce qui pourra, d’un cri, faire jaillir encore une brève étincelle :
Je chante
et la vie comme un arbre
se hausse sur ses feuilles
immense dans l’automne
où les morts s’amoncellent.

Michel Diaz, 01/04/2016

L’eau fine – En une seule injure – Alain Borne

L'eau fineL’EAU FINE suivi de EN UNE SEULE INJURE
Alain Borne – Editions Editinter – (2002)
Préface de Philippe Biget

[L’édition originale de L’eau fine date de 1947, chez Gallimard; celle de En une seule injure de 1953, chez Rougerie.]

« Contraste. Voilà un mot souvent lu ou entendu depuis la réédition , en 2001, de Terre de l’été suivi de Poèmes à Lislei. Gageons qu’il en sera de même après la présentation conjointe de L’eau fine et de En une seule injure. Que l’on n’attribue pas ces choix éditoriaux à une vaine recherche d’effet ! Alain Borne est ainsi, pétri d’ambivalences et de déchirements qu’il assume avec une extrême lucidité. […]

* * *

Après Terre de l’été (1945) et Poèmes à Lislei (1946), L’eau fine (1947) complète la trilogie qui valut au poète sa notoriété dans les années d’après-guerre. […]

[…] il n’est pas inutile de s’attarder quelques instants sur deux indices concordants : la dédicace « A ma mère » et la citation liminaire de Rimbaud à laquelle Borne emprunte son titre:

Eternelles Ondines ;
Divisez l’eau fine.

[…] Qu’y a-t-il à la fois de plus profond et de plus banal, pour un fils, que de vouloir offrir à sa mère une célébration de son enfance, jusqu’à y retrouver la symbiose fondatrice du sentiment amoureux ? Non, aucune originalité dans le thème, mais ce qui donne son épaisseur à L’eau fine, c’est le ton : la totale candeur, l’authentique naïveté qui seules permettent d’entreprendre le voyage au-delà des verts paradis. Car le recours à l’enfance semble être un moyen de recycler l’inspiration. Il s’apparente à une discipline, à une méthode de méditation qui permettrait au poète schizophrène d’arriver au but :

il pose son visage blessé contre la grille
et regarde le parc fardé de trop de fleurs

jusqu’au moment où :

                                                           il se voit
tel qu’il n’a cessé d’être en son cœur travesti.

* * *

Avec En une seule injure (1953), c’est vers l’autre extrémité de la vie que se tourne le poète. L’aveu est explicite : L’enfance est morte en moi. Certes, la pensée de la mort, la prémonition de son imminence, son association fréquente à la pulsion sexuelle et au sentiment amoureux sont déjà présentes dans la plupart des recueils précédents d’Alain Borne, y compris les premiers. Mais, En une seule injure est l’occasion de franchir un pas décisif : consacrer un livre entier à la mort fougueux fleuve en dérive qui l’entraînera dans son limon. A trente-huit ans, Borne nous offre sa première leçon de ténèbres. En effet, au-delà de la peur physique (mais je suis pour moi le premier/à essayer le sort amer de mourir) c’est à une longue méditation sur la disparition et l’oubli à laquelle nous convie le poète.[…] Les poèmes sont souvent inhabituellement développés si l’on se réfère aux œuvres précédentes, comme pour ménager à l’esprit le temps et l’espace nécessaires pour appréhender sa propre finitude, contredite en quelque sorte par des formules qui ne se referment jamais :

L’homme ne monte pas très haut sa taille
et le voici déjà couché
avec sa blessure natale
pivoine épanouie sur le terreau d’un corps.

En une seule injure est dédié à la mémoire du père du poète décédé en 1951, ce père avec lequel il avait une relation si distante malgré l’affection inexprimée qu’il lui portait. La présente réédition est donc aussi celle d’un double hommage filial. La mort du père contribua-t-elle à libérer une longue fureur qui ne s’éteindra plus ? Sans doute, car il semble bien que la voix du poète atteigne une gravité nouvelle.
[…] »

Philippe Biget – (Avril 2002)

Treize – Indociles – Alain Borne

TreizeTREIZE, suivi de INDOCILES – Alain Borne.
Editions Fondencre (2008)
Lecture par Philippe Biget

Alain Borne (1915-1962) est un poète à la trajectoire singulière. Distingué dès la publication de son premier recueil, Cicatrices des songes (1939), sa notoriété prit de l’essor pendant la guerre au cours de laquelle il lia des relations d’amitié avec L. Aragon, P. Seghers et R. Tavernier en participant à des revues impliquées dans la Résistance. Après la Libération, il s’affirma comme poète, adoubé par des pairs comme R. Char, J. Rousselot, Ph. Jaccottet, G.-E. Clancier, R. Sabatier ou J. Paulhan. Puis, après une quinzaine d’ouvrages, les publications se firent plus rares et il vit sa renommée décliner. Après sa mort accidentelle, en 1962, et la découverte d’un grand nombre de textes inédits, son œuvre suscita un regain d’intérêt suivi, après la réédition des Œuvres Poétiques Complètes (1980-81), d’une nouvelle période de silence.
Le poète-traducteur-éditeur Philippe Biget travaille, depuis une quinzaine d’années, à redonner à ce poète sa légitime place dans le paysage poétique du XXème siècle. C’est aux éditions Fondencre, qu’il dirige, qu’il a republié, en les réunissant au sein du même ouvrage, les deux recueils Treize et Indociles auxquels il a consacré une Postface,.
Je me contenterai, dans cette chronique, de reproduire la presque intégralité de son texte.

* * *

« […] Faut-il accorder au titre Treize un sens cabalistique ? Je ne le pense pas. Tout au plus un clin d’œil : ce mince recueil, publié en 1955 chez Pierre-André Benoît, ne comporte que douze poèmes ! Cette dénomination numérique traduit le désir de l’auteur de repérer certains titres de façon chronologique comme il l’avait fait avec Opus 10 en 1951. Une coquetterie qui exprime néanmoins, chez l’homme de 40 ans, l’intention de construire une œuvre. Attitude qui devait singulièrement évoluer au cours des dix années suivantes si l’on en juge par la découverte, après la mort accidentelle de l’auteur, d’un immense chantier désordonné.
Mais revenons au contenu de Treize. Borne y exalte la passion amoureuse jusqu’à son paroxysme. Postromantisme dans lequel l’amour s’auréole d’un halo mystique, substitut d’un dieu absent. Eve se voit dresser au autel autour duquel le poète déroule ses litanies de prières. On pense à Tristan mais aussi à la façon dont les surréalistes (de la génération qui précède celle de Borne) ont renoué avec la sacralisation de l’amour.
L’amour, exclusif recours :
… toi seule panse
la blessure de vivre.
Toute frontière s’abolit entre érotisme et spiritualité :
… puisqu’il y a dans ton corps
cette douce place infime
qui rétablit le monde dans son équilibre
dans ton corps de lèvres et de seins
cette place
sur ta plage
ce point pour m’ancrer.

On retrouve l’invocation de cette fusion salvatrice dans bien d’autres recueils de Borne mais Treize présente la particularité d’y être entièrement consacré et touche par la cohérence et l’homogénéité du discours.

Indociles fait partie du corpus posthume de l’œuvre. Publié en 1971, presque dix ans après la mort du poète, par les bons soins de son ami Paul Vincensini, ce recueil suscita interrogations et commentaires.
Avait-il été composé par Borne ou reconstitué à partir d’archives au classement incertain ? Le poète le destinait-il réellement à la publication ? Questions légitimes que se posent tous ceux qui « héritent » d’œuvres littéraires inédites après la disparition de l’auteur. D’autant plus légitimes avec Borne que l’œuvre posthume est au moins aussi importante en volume (et en qualité me semble-t-il) que la quinzaine de titres publiés sous son contrôle. Interrogations auxquelles nous pouvons néanmoins répondre positivement […].
Voilà pour ces interrogations. Quant aux réactions de certains commentateurs, elles touchent au cœur même de l’œuvre qui exige que le lecteur sache regarder en face sa mort et surtout celle de l’être aimé, plus précisément l’inéluctable décomposition des corps. […]
J’avoue m’être longuement interrogé sur le choix du titre Indociles. Autrement plus énigmatique que Treize. Quel sens l’auteur a-t-il voulu donner à cet adjectif androgyne et pluriel ? […] Un jour, alors que je parcourais les brouillons qui constituent une partie du fonds Alain Borne conservé à la Médiathèque de Montélimar, j’ai découvert, sous l’écriture reconnaissable du poète, cette locution : « poèmes indociles ». Ainsi, les poèmes eux-mêmes seraient indociles ! Rebelles à une pensée dominante ? Indociles à l’intention du poète ? Des poèmes qui le conduiraient malgré lui sur des pistes qui lui répugnent, un peu à la manière d’une auto-analyse qui parviendrait à déjouer interdits et refoulements que le sujet avait lui-même soigneusement mis en place pour se protéger ? […]

Il n’y avait rien dans ce pays
j’y menai mon cheval

Ainsi débute le scénario précédemment évoqué. Un pays vide, pour tout dire une sorte d’Erèbe car l’influence de la mythologie est présente dans l’œuvre de Borne même si les références explicites en sont absentes. C’est là qu’il rencontre un Eros plutôt janséniste. Passe une fille avide avec laquelle il forme un aveugle poulpe. Le ton est donné. De meurtre rituel en étreinte vénale, l’amour humain est décliné sous ses formes les plus tourmentées, les plus inconsolables, les plus tragiques. Le poète hurle son incapacité à assumer l’animalité et la finitude de sa compagne, ce qui le conduit à de terribles imprécations :

Ne pleure plus dis-je à la morte
je te donnerai toutes les caresses
voici déjà notre premier baiser

Mais de la plaie
pleurait le sang amer de l’amour
inconsolable et noir.

jusqu’à dénoncer :

cette caricature du corps féminin
qui t’impose sa boucherie.

On pense bien sûr à Une charogne de Charles Baudelaire :

Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.

Tout aussi sordide dans sa description, Borne ne distancie pas le sujet en décrivant une charogne anonyme. C’est de la femme allongée à ses côtés et de lui-même qu’il s’agit, et s’il fustige le corps de la femme en le caricaturant de manière grotesque et morbide, c’est à la condition humaine qu’il s’en prend. Le désespoir le pousse à s’éprendre de la mort, ma grande amie qui n’a point de sexe. Une mort refuge qui résoudra peut-être l’infernal conflit entre donjuanisme et pulsion de castration, qui mettra un terme à la parodie de l’accouplement.
On le voit, nous sommes aux antipodes des effusions mystiques de Treize. La noirceur accablante du tableau est quelque peu tempérée par un rêve messianique. Le poète invoque un autre Dieu, un Dieu beau d’innocence qui pourrait donner naissance à une autre création.

[…]

De l’interrogation naïve et fiévreuse de Treize :

Ma main d’avoir touché ton corps
saura-t-elle mieux écrire

à l’affirmation véhémentes de Indociles :

J’écris un poème pour mourir plus doucement
pour laisser après moi une sorte de feuillage
pour que les yeux voyant mon petit automne
se demandent s’il reste un peu de sève dans l’arbre.

Alain Borne renoue sans cesse avec la pulsion existentielle de l’écriture. »

Philippe Biget