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Lettre d’info de l’AMOURIER N° 112 : Nouvelle parution : « À deux doigts du paradis » nouvelles de Michel Diaz – 2012

Amourier

Lettre d’information Amourier n° 112

Amourier Michel Diaz
Ami(e)s qui aimez lire,
Nous sommes heureux de vous présenter Michel Diaz – nouvel auteur des éditions l’Amourier, résidant à Tours – dont nous venons de publier À deux doigts du paradis.

Dramaturge, poète, écrivain, Michel Diaz a enseigné la littérature et l’art dramatique. Sa formation d’auteur dramatique et sa passion pour Arthur Adamov ont développé chez lui un grand art de la narration. Ce livre réunit neuf longues nouvelles, qui toutes conduisent le lecteur À deux doigts du paradis, voire de l’enfer… (enfer ou paradis bien terrestres).
À deux doigts, parce qu’il s’agit chaque fois de l’approche d’un seuil, d’une situation de passage, comme lorsque les événements de la vie nous font basculer vers un inconnu révélateur de l’intime.

Puisque nous nous référions à Adamov, j’ai envie de le citer pour clore cette présentation “Une pièce de théâtre doit être le lieu où le monde visible et le monde invisible se touchent et se heurtent.” Transposons cela à l’art de la nouvelle et nous voici propulsés dans l’univers de Michel Diaz où le visible et l’invisible se confrontent pour notre bonheur de lecture.

Je vous invite à lire des extraits de celivre en cliquant ici, et à découvrir la bibliographie de l’auteur en cliquant là.

Vous pourrez entendre Michel Diaz lors de nos rencontres littéraires “Voix du Basilic” à Coaraze dont vous pouvez déjà retenir la date : 1er, 2 et 3 juin 2012 et dont le programme vous sera communiqué bientôt.

D’autres pages à explorer vous attendent sur notre site où, vous pourrez lire, télécharger et découvrir de nouvelles notes de lecture.

Bonne navigation à vous toutes et tous,
Bernadette Griot

http://www.amourier.com

Amourier A 2 doigts

A deux doigts du paradis, éditons de L’Amourier, Coaraze, 2012

La Voix du Basilic, n° 21, mai 2012

 

A DEUX DOIGTS DU PARADIS, de Michel Diaz. 

Pour l’auteur des neuf nouvelles réunies sous ce titre, il est un fil conducteur, celui du passage. Fil conducteur pour avancer, s’enfoncer plutôt, dans l’univers étrange, envoûtant, que Michel Diaz sait créer par des évocations fortes, maniant une langue riche et imagée et usant d’un talent pour la construction narrative qui saisit le lecteur dès les premières pages.

Il en est deux, de ces évocations, justement intitulées Passages ( I et II) qui donnent à entendre deux textes qui se font écho dans les voix de Nina et de Michaël, un vieux couple, à l’heure où, dans un mouroir – hôpital ou maison de retraite – tout semble s’achever pour lui. Pourtant la vie est là, portée jusqu’au bout par l’amour. Les souvenirs affluent – les bons et les mauvais – d’une longue vie commune, et transfigurent les lieux sordides du quotidien qui s’effacent au rappel des paysages et des bonheurs d’autrefois, ainsi que par l’énergie de celle qui entraîne son compagnon dans le rêve d’une balade imaginaire, tentative d’évasion ultime : « Je lui ai dit : voilà ce qui nous reste à faire… Nous aurons la nuit devant nous… Imagine… Nous sommes partis… Sur la pointe des pieds… Et chacun son petit balluchon… Pas difficile de tromper la surveillante en passant par derrière… ». Au fil de ces pages haletantes, par l’alternance des graphies et la ponctuation suspensive se manifeste l’acharnement à vivre, à aimer, et la lucidité de ces deux personnages, deux belles figures d’humanité qui parviennent au seuil de leur paradis, dans la sérénité.
C’est émus que nous allons plus loin dans le livre, suivant le/les narrateurs dans leurs errances à travers des paysages, des univers, anodins a priori mais qui soudain basculent dans des atmosphères lourdes d’angoisse, tandis que les personnages se débattent avec leurs frustrations, leurs fantasmes. L’auteur ne prétend pas nous les rendre tous forcément sympathiques, poussant parfois le trait jusqu’à la caricature et le ton au sarcasme.

Les situations sont le plus souvent de grande solitude, de rupture et de remise en cause (amoureuses, professionnelles, familiales) ; pourtant, à contrecourant de la désespérance, il y a une recherche d’apaisement, cette tension vers le paradis, par un travail sur soi-même qui peut se faire par le retour aux sources, aux souvenirs ; et c’est pourquoi la chronologie se bouscule parfois dans ces récits où les temps se juxtaposent – présent, passé , et conditionnel, mode de ce qui n’est pas, mais de ce qui est possible. Les représentations se fondent, et sont convoqués père, mère, figures admirables de courage ou d’autorité jusqu’à ce que les rapports s’inversent dans des rêves ou des accès de délire dans lesquels ceux de l’Homme font écho à ceux de la Nature.

Michel Diaz nous entraîne aussi dans ses marches en campagne ou aux bords des fleuves, dans les méandres d’une conscience en prise à des pulsions meurtrières; la force de l’auteur résidant dans la création d’ambiances inquiétantes, ambiguës, mais sans réelle certitude quant au passage à l’acte. Ou bien il n’y a plus de promenade : enfermée dans un petit appartement, une comédienne, aujourd’hui oubliée, ne s’enlise pas dans les regrets de sa beauté passée ni dans la nostalgie de ses rôles, « Elle est là, elle attend, faisant le propre, le net, le vide. » (…)« Pour entrer doucement dans la mort. Ou plutôt, pour sortir de la vie . Discrètement. » Vers quelle renaissance ? Tandis que nous, lecteurs, sommes devant «la révélation qui soudainement nous projette dans d’autres territoires de nous-mêmes, d’autres contrées de l’expérience où de nouvelles configurations psychiques se redessineront en nous . »

Nouvelles sombres, sans doute, à l’humour parfois noir ou grinçant, mais toujours portées par un imaginaire où le visible côtoie volontiers l’invisible et le quotidien l’onirique, un style qui charrie des pépites de pure poésie, ces textes sont d’un auteur qui ménage aussi une belle part à la sensibilité, à l’émotion, et sait nous rapprocher un peu plus de ces zones obscures enfouies en nous-mêmes que la littérature a seule pouvoir de nous révéler.

Marie jo Freixe.

A deux doigts du paradis – Michel Diaz – Mars 2012

 

paradis

Propos du livre

Un recueil de nouvelles réunies autour du thème du passage, la situation de passage, qui à certains moments de nos vies, lorsqu’une fracture se produit, nous fait basculer vers un ailleurs méconnu. Un seuil où l’on a peine à se reconnaître mais toujours révélateur de quelque vestige – ou vertige – intime.

Dramaturge, poète, écrivain, Michel Diaz met toute sa science de l’écriture, au service d’évocations fortes : personnages, lieux, émotions, inquiétudes, angoisses, horreurs, espoir… qui éveillent de longs et profonds échos chez le lecteur. Et son sens de la narration lui fait approcher des situations les plus secrètement vécues : Lent effacement d’une comédienne, souvenirs ultimes d’un soldat de la deuxième guerre, rencontre d’une énigmatique enfant en bord de Loire, récit des relations entre mère et fils durant la tempête du siècle…
À deux doigts du paradis est un de ces livres auxquels on s’accroche, même si on l’ouvre au hasard.

Extrait : Sortilège de Pan

(…) S’éloignant de la rive, il traversa en pataugeant un bras stagnant du fleuve, de l’eau jusqu’aux genoux, mit le pied sur une petite île et, s’étant frayé un passage à travers la végétation épaisse qui la couvrait, il gagna l’autre berge afin de retrouver le lit qu’emprunte le courant.

(tout cet espace déployé dans le regard, sa hauteur lumineuse gréée d’azur et de clameurs, vaisseau de formes fluides éternellement aspirées vers ces vagues lointains où les eaux se rassemblent…)

Sur l’étroite bande de sable qui glisse en pente douce vers le fleuve, il aperçut l’enfant. Une fillette de huit ou neuf ans. Pas davantage, estima-t-il. Après avoir jeté un coup d’œil circulaire, il ne remarqua pas d’autre présence humaine, et n’entendant pas d’autre chose que son fredonnement d’abeille, il s’étonna qu’elle fût seule. Absorbée par son jeu, les genoux et les mains enfoncés dans le sable, visage presque au ras du sol, elle ne le vit pas venir. Ses sandalettes de plastique étaient posées à côté d’elle. Elle avait un pantalon rouge, en toile de jean, un tee-shirt vert olive, des cheveux blonds noués en tresses qui se balançaient dans le vide, par-dessus sa nuque penchée.

Il resta un moment immobile, sans dire un mot, de crainte de l’effaroucher. Jusqu’à ce qu’elle l’aperçoive, en relevant la tête, debout à quelques mètres d’où elle se tenait. D’abord, elle ne lui parut ni surprise ni effrayée. Peut-être seulement curieuse. Sûrement intriguée. Tout autant que lui pouvait l’être. Pour faire quelque chose, se donner quelque contenance, elle plongea sa main dans le sac de bonbons posé entre ses sandalettes, hésita un instant à lui en offrir. Y renonça presque aussitôt. Dans son regard, il entrevit comme une lueur de méfiance, une braise de rien du tout, mais qu’il voyait briller au fond de son iris.
– Bonjour, il dit.
– Bonjour, elle lui dit aussi, en le dévisageant.

« A deux doigts du paradis », éditions L’Amourier, 18 euros.