Les voix du basilic, Coaraze – 24-26 mai 2019

Lettre d’information n° 209 http://www.amourier.com

Des nouvelles de l’AMOURIER

Nouvelle parution
(poésie)
Comme un chemin qui s’ouvre

                           de Michel Diaz

Voix du Basilic 24, 25, 26 mai




Ami(e)s des livres… et de la poésie,

La Beauté de notre Printemps des poètes 2019 fut assombrie par de récentes disparitions; celle de Marie-Claire Bancquart, entre autres, qui a signé deux livres chez L’Amourier, Impostures et Explorer l’incertain, à la façon de “L’élégance du secret”– titre du bel hommage signé par Marie Étienne dans le dernier numéro de la revue En attendant Nadeau.

Ainsi le Printemps se risque à poursuivre, à recommencer toujours, et ne pas douter de la poésie.

Comme un chemin qui s’ouvre, recueil que nous venons de publier de Michel Diaz, nous invite dans ce mouvement tant sa poésie a de facultés germinatives. La marche quasi quotidienne nécessaire à l’auteur pour écrire, le conduit sur des chemins sans contraintes, mais non sans “intranquillité”. Des mots s’invitent, accompagnent ses pas et, malgré lui, le conduisent à un lent retour sur lui-même d’où émanera, par tâtonnements, un autre visage mis à nu.
Dans cette approche recommencée de ce qui est – la marche, mais aussi l’écriture – rien ne se répète : la pensée en mouvement s’accorde au rythme du corps, du souffle; l’avancée chaque fois inattendue est probable suspension au fil de la clarté. Le lecteur est témoin sans savoir, juste pris dans le rythme. Mais il reviendra s’abreuver… pour son plaisir, à ce mince filet d’eau vivante.

Vous pouvez lire des extraits de ce livre sur notre site ici, où vous pouvez aussi le commander.

Vous retrouverez Michel Diaz lors de nos prochaines Voix du Basilic à Coaraze, les 24, 25 et 26 mai, avec Michaël GlückWerner Lambersyet Florence Pazzottu. En musique avec le BAKASAX de Jean-Marc Baccarini, et en compagnie d’un éditeur ami, Thierry Renard de La Passe du vent.
Découvrez le 
programme ici.
En amitié, et dans l’espoir de vous rencontrer à Coaraze,
Bernadette Griot

amourier.com

Comme un chemin qui s’ouvre – Terres de femmes, mai 2019

Article signé Angèle Paoli, paru sur le site Terres de femmes, mai 2019.

Michel Diaz, Comme un chemin qui s’ouvre

par Angèle Paoli
Michel Diaz, Comme un chemin qui s’ouvre,
L’Amourier éditions, Collection Fonds Poésie,
Collection dirigée par Alain Freixe, 2019.
Lecture d’Angèle Paoli

 

« DANS LA COMPLICITÉ DES ARBRES ET LA CONFIDENCE DU FLEUVE »

Il est des proses qui sont de vrais joyaux de poésie. Des proses nourricières, riches en réflexions et en images ; aussi belles qu’émouvantes. Telle est la prose de Michel Diaz, tissée de métaphores singulières qui constituent l’essence même de son écriture. Soumises aux fluctuations continues de la pensée, poésie et ontologie s’inscrivent dans un même continuum d’images partagées. Ainsi des textes qui composent le dernier recueil du poète, paru sous le titre Comme un chemin qui s’ouvre. L’ensemble des proses — réparties en cinq chapitres en forme d’itinéraire et de parcours ascendant — est dédié aux sentiers douaniers qui longent les côtes de France et « traversent les pays de Loire », ainsi qu’à Lola, la chienne du poète, « compagne de ces jours ». L’œuvre dans son entier est consacrée à la marche, laquelle va l’amble avec la réflexion sur l’écriture. Et avec le cheminement intérieur auquel se livre le poète. Entre sommeil et rêve, sur des sentiers hors frontières, s’élabore une poésie du seuil, ancrée dans la nature, portée par la « lenteur de l’air » et la lenteur du ciel. Une poésie en marge. En marge du monde et de la fureur qui le mine. En marge de toute certitude. C’est là, arrimé aux monticules des dunes et aux criaillements des sternes, que le poète « se défait doucement de la douceur d’appartenir au temps. »

Qui est-il ce marcheur solitaire et têtu, qui va son chemin d’un paysage à l’autre et poursuit sa route à l’intérieur de lui-même ? Pour quelle quête, pour quelle poursuite se met-il en marche, sinon pour celle qui s’enharmonise au vent et à la lumière ? Pour saisir au passage le clapotis d’une source ? Et, en définitive, au terme d’une descente dans le puits du labyrinthe, pour se convaincre d’une unique vérité, « [c]elle d’appartenir à tout, comme un maillon, même fourbu de rouille, appartient à la chaîne de l’ancre » ? 

Il faudra en cours de route renoncer à céder au « désir infini de se perdre au bout de soi-même, dans le vent frais du soir et les odeurs de pierre sèche. » Renoncer à la tentation de l’autolyse. Et, en amont de ce geste ultime, se délester. Se déprendre de ce qui obsède ; déposer à ses pieds le fardeau de soi-même. Se délivrer de sa pesanteur. Et se couler dans un corps autre.

« Un corps flottant dans la lumière en brumes, pareil à un éclat de rire du soleil après la pluie. »

Telle est la philosophie du marcheur. Corrélée à un rêve de légèreté. En osmose avec la nature. C’est sur la nature, en effet, que bâtit son credo le poète incroyant. Mais là où le credo de l’ermite se hausse en prière, celui du poète libéré de Dieu s’élance vers la dénonciation de ce qu’il réprouve et de ce contre quoi il lutte. Ce credo se dit dans une page sublime où le poète se définit lui-même par l’affirmation anaphorique de ses convictions :

« Je suis pour ce qui s’arme contre le pain noir de l’hiver, pour la pierre claire du givre, pour la neige aux seins odorants ».

« Je suis ici sans pouvoir bouger ni guérir, lourd du plomb d’un secret qui ne se révèle jamais, seulement sidéré par la clarté du jour. »

Sidération. Qui s’accompagne d’un flot d’interrogations sur ce qui entoure l’homme et qui va son chemin d’indifférence, laissant le poète à ses incertitudes et à « sa douleur d’être ». L’abandonnant à un permanent et solitaire face-à-face avec son propre naufrage et à un sentiment taraudant de débâcle. Sidération toujours d’être là, encore, lorsque le poète se laisse prendre par « la rumeur du monde ». Sidération d’avoir franchi les tortures que lui infligent les questionnements multiples qui accompagnent toute vie livrée au vide de l’existence ; livrée à la révolte qui nourrit ce vide ; livrée à l’inanité de toute chose, y compris de l’être et de soi. Être là, pourtant, jour après jour, à devoir se renouer sans cesse à « la blessure de l’inconsolable » et au « froid pétrifiant des étoiles ».

Chaque jour se renouer. À la blessure et au consentement qui la tisonne. Chaque matin retrouver, arrimée à l’aube et à la lumière, une tristesse indéracinable ; une tristesse à peine sensible à la beauté éphémère, et néanmoins vitale, de l’infime.

Revient alors la nécessité de la marche. Qui fait du poète rescapé un pèlerin sans autre finalité que celle de prendre la route :

« J’ai marché, aujourd’hui encore, comme on peut s’égarer dans le labyrinthe de ses pensées ».

Pourtant, marcher ne délivre pas toujours des questionnements essentiels.

« Marcher, marcher encore, et pour quoi faire, quoi ?… Aller où ? Vers quoi ?… » Il en est de même pour l’écriture. « Pourquoi écrire, dira-t-on ?… Ne serions-nous nés que pour être oubliés ? Pour ne laisser place qu’aux terres désolées, aux os calcinés de lumière et aux divers ingrédients du désert ? ».

Ainsi va le poète Michel Diaz, en proie à ses doutes, à sa douleur inguérissable, à la plaie ouverte qui le met à la torture. Quoi alors ? Que reste-t-il ? Que reste-t-il « pour se consoler de l’obscure origine du monde, de la nuit indéchiffrable d’où l’on est venu ? ».

Le poète détient pourtant les réponses à ses propres questions. Et il en a de multiples. Celle-ci, par exemple : « En vérité, les seuls comptes à rendre sont à ce qui engage le corps dans l’affrontement à lui-même ».

Le poète héberge ses rêves de poucet, réunis en « un galet poli par la vague ». En cet ami qui l’accompagne, à la fois « conseiller » et « protecteur », il découvre celui qui l’aide à trouver la voie, celle qui le conduit sur « le chemin de sa vérité singulière […], unique, celle que chaque être est le seul à pouvoir secréter. »

Une fois retourné à la mer, le galet laisse de sa présence le souvenir d’un rêve ancien. « Comme un rêve de délivrance ». Et la conviction profonde que chaque chose, rêvée ou non, a l’existence à laquelle elle est destinée.« Le galet retourne à la mer, et l’esprit à sa veille. » Le poète, à son adéquation avec le monde. « Dans la complicité des arbres et la confidence du fleuve. »

Angèle Paoli
D.R. Texte angèlepaoli

Comme un chemin qui s’ouvre – Le Basilic, mai 2019

Article signé Alain Freixe, paru dans Le Basilic, numéro de mai 2019.

Comme un chemin qui s’ouvre
Michel Diaz
collection Fonds Poésie,
éd. L’Amourier

On connaissait ici, à nos éditions L’Amourier, Michel Diaz pour ses nouvelles, À deux doigts du paradis, en 2012 et Le Gardien du silence, en 2014. On connaissait son obsession “pour la mélodie de la langue”, aussi est-ce sans surprise que l’on voit aujourd’hui le Fonds Poésie accueillir ces proses qui vont Comme un chemin qui s’ouvre vers leur cœur de feu, la poésie, selon les mots de Joë Bousquet.
La poésie “comme une échappée dans le temps du jour où les heures ne meurent plus”, où nous nous tenons debout sur les heures “étonnés  d’être encore” appelés à marcher “non pour passer, sur l’arche des pensées, ce pont tendu, vers l’autre rive de soi-même”, non, ce serait
trop dire. L’humilité généreuse de Michel Diaz lui permet tout au plus d’écrire qu’il s’agit “juste de laisser, derrière soi, les ruines de la nuit et ses monceaux d’opaque confondu dans le sel des décombres”.
Tel est le compagnon qui chemine sans faire demeurance, le pèlerin qui marche pour marcher car c’est dans la marche que s’invente le chemin, d’arrachement en arrachement. Ainsi se déprend-on de ce qu’il y a d’orienté, de connu dans les déplacements. Ainsi dans les
promenades telles que les pratique Michel Diaz, on ne se contente pas d’accompagner le temps, on l’engage à naître car on est pris dans un rythme qui ouvre l’air et féconde l’espace de la clarté d’ “un feu sourd qui s’invente à mesure”.
De la marche à l’écriture, des terres traversées au pays de l’encre – la poésie comme “la terre de sous nos pas” écrit Michel Diaz dans son incipit en citant Yves Bonnefoy – les chemins sont de mots, d’images – parfois baroques comme cet (œil (…) anneau du soleil” ou ces “jours (…) tombereaux de charbon arrachés, ongles nus, à la veine” – de couleurs, de prises et de reprises. Là, “dans cette approche recommencée de ce qui est”, on ne répète rien, on reprend, ce qui
suppose nouvelle énergie donnée à la main comme au pas qui invente l’avancée.
Il y a quelque chose de terrien, d’élémentaire, d’archaïque dans la marche. Quelque chose de vertical : on va les yeux tantôt levés vers, tantôt baissés sur, entre ciel et pierres. On va, puis on s’arrête… Alors on reste là, “sans paroles, pas trop avant de soi et pas trop arrière non
plus, mais juste en équilibre sur la ligne de crête du souffle (…) libre de toute attente et de toute désespérance.” Il y a des moments dans la marche ou dans la fatigue du pas, où l’œil perd ses droits – œil toujours déjà traversé d’interprétations verbales, lieu structuré par des savoirs figés – où s’effondre la distance des perspectives, où c’est un vide que l’on pousse devant soi, dans la lumière. Vide germinatif de “la présence sans nom de ce qui nous entoure (…) nous parle en sourdine avec des mots qu’on reconnaît sans les comprendre”. Tel est l’instant, ce lever de rideau, cette entrée en scène d’une étincelle dans laquelle l’éternité et l’infini prennent visage dans un ici et maintenant radical. Dans ce livre de Michel Diaz, le temps de l’homme et le temps du monde se rencontrent dans “la plénitude de l’instant”. Peu de choses en vérité : “une
abeille contre la vitre, les formes d’un nuage, la courbe de tes hanches”, ces petits riens, ces “presque rien” font de notre présence au monde le lieu où il nous est donné “d’entendre ce qu’en sourdine le temps nous conte de nous-mêmes depuis sa rive la plus nue”. Il y a là de quoi voir “la peur (s’évanouir)”, “la route à suivre” s’ouvrir “sous l’étoile où le jour se prépare”. Poursuivons!

Alain Freixe

Trace de poète -Isle-sur-Sorgue – 4-5 mai 2019

 

Les Editions Musimot
seront présentes
sur le Marché des Editeurs
du Festival « Trace de Poète »
les 4 et 5 mai 2019

Cour du Musée Campredon
L’Isle sur la Sorgue (84800)

ouvert de 10h à 12h30 et de 14h à 17h30

Dimanche 5 mai à 11h
Rencontre lecture avec Michel Diaz
sur le marché de la poésie
Michel Diaz sera présent samedi et dimanche sur le stand des éditions Musimot
Le recueil Bassin versant s’est vu attribué le prix Amélie Murat 2019

La poésie contemporaine est souvent, me semble-t-il, l’espace de l’incertitude. Qui parle ? À qui ? De quoi ? Pourtant, dans ce nouvel opus de Michel Diaz, les deux citations proposées en exergue, de Lorca et de Nietzsche, nous mettent d’emblée sur la voie de sa réflexion poétique: si « la terre est notre probable paradis perdu », la poésie est sans doute le seul moyen de nous sauver de la désespérance et de ne pas « mourir de la vérité » du monde. […]

[…] la prose poétique de Michel Diaz, innervée d’un imaginaire foisonnant, nous entraîne dans une méditation dont les arrière-plans philosophiques sont clairement assumés.

Une réussite de ce texte – parmi d’autres – est de nous entraîner dans un perpétuel mouvement alors même que le poète se présente statique, dans l’attitude de qui s’arrête et prend le temps de regarder le monde pour l’interroger ou se laisser glisser dans les plis de sa rêverie méditative. Alors, puisque la vie est le vaste théâtre du monde, laissons-nous emporter par un verbe inspiré qui se propose de nous ramener au plus près de nous-mêmes.

Extraits de la préface de Jean-Marie Alfroy

Lettre écrite dans le soleil

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Dessin de Paola Di Prima (encre)

Un jour, je partirai, sans vous en avertir. Je le ferai sans joie, mais pourtant sans remords. 

J’irai, sous un ciel pur, nager au large de la mer et ne reviendrai pas. J’irai marcher, par un beau soir d’orage, sur un chemin de pluie, pour appeler la foudre en agitant les bras. Je marcherai longtemps, au long du fleuve, pour choisir le saule complice auquel j’accrocherai la corde qui me permettra de vous tirer insolemment la langue. Je choisirai un lieu désert, à l’écart de tout et de tous, un branlant chalet de montagne, une cabane de berger isolée dans le causse, et y abandonnerai mes forces, patiemment, pour entrer dans le lent sommeil de l’oubli.

Je m’en irai, sans haine ni remords, en saluant les aubes et les crépuscules qui m’ont vu passer, et celles, tout aussi indifférentes, qui continueront leur route sans moi. Je continuerai à aimer les hommes jusqu’à la dernière seconde, et le monde si beau qu’ils s’emploient à nous rendre si peu et si mal habitable.

Je me laisserai transpercer par les javelots du soleil, aveuglé de vertige, au bord d’une falaise qui donne sur l’abîme. Je me dissoudrai dans un vin d’amour et bu jusqu’à l’extase du plus-être, dans la poussière des nuages, dans la couleur des blés, dans la boue d’un fossé, entouré d’animaux obscurs et méprisés, d’un chat blessé venu ici agoniser à l’abri des regards et d’un hérisson mort, qui m’aideront à mieux comprendre ce que sont les chemins de l’ombre. Je m’installerai dans la paix savoureuse d’un arbre creux qui se refermera sur moi, recousant son écorce avec la bienveillante compassion qu’on accorde aux blessés dont on sait qu’ils vont nous quitter.

J’abandonnerais aussi bien volontiers mon corps aux crocs des chiens errants et aux becs des rapaces, aux morsures de la lumière et au doux linceul de la pourriture. Je ferai frère et sœur, dans mon éloignement de vous, le brin d’herbe têtu qui se dresse entre deux pavés, le caillou de la sente que lisse le passage des jours, le galet roulé sur la plage et la feuille qui tombe au premier soupir de l’automne.

Je serai là, dans le velours grisâtre du lichen qui recouvre les pierres, dans la mousse qui s’enracine aux ardoises du toit, dans la rose flétrie qui bascule au bout de sa branche, dans le corps de l’abeille tombée au fond du pot de miel, ou dans cette charogne abandonnée au creux d’une ravine.

Je serai ce qui reste de jour dans les flaques d’eau sombre, ce qui repose dans la vase qui tapisse le lit des étangs. Je serai cette absence à laquelle donner un nom ne sera plus possible, cette trouée soudaine dans un ciel de traîne qui s’écarte comme un rideau pour laisser apparaître, au fond du fond des yeux, une étoile inconnue.

« Je m’en irai dans une caravelle, dans une vieille et belle caravelle » (Henri Michaux), et je le dis à ceux qui m’ont aimé :  « Si vous m’avez aimé, ne me retenez pas et, s’il vous est possible, oubliez-moi passionnément. »