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Le Cœur endurant – Michel Diaz (décembre 2016)

Maquette couv coeur endurant

LE CŒUR ENDURANT, Michel Diaz
éditions de L’Ours Blanc (décembre 2016)

– Dessins de Jeannine Diaz-Aznar –

Les textes qui suivent ont été publiés dans le N° 5 de la revue Lichen (juillet 2016)

Extraits du recueil :

Blanc du papier
la mort non pas hostile
la mort simple    le néant
et même bienveillant

l’attirance hypnotique du blanc

et là-dessus
le geste primitif
de la main qui trace ses mots
le geste convulsif de qui bat l’air
avec ses doigts giflant
griffant le blanc

ce feuillage d’ombre
un instant ouvert sur le rien
et qui se referme déjà

mais tisse encore la lumière
qui nous garde les yeux ouverts.

* * *

Ecrire à même la tourbe et la vase
dans la poussière délaissée par l’eau
et à même la peau des pierres

brûler chaque brin d’herbe
et la moindre racine intruse
ne rien laisser que cendres :

à ce prix seul
le rien le blanc l’immaculé
ce lieu d’oubli où tout
peut se jouer

comme s’échappe vers le ciel
javelot qui soudain prend feu
un cri enseveli sous l’épaisse
couche de neige qui
d’abord l’étouffait

* * *

Tant de voies vierges sous les mots
pour atteindre la nuit de la nuit
et c’est toujours ailleurs
comme si c’était
nulle part

et devant soi
l’abîme du dévoilement
blancheur de la blancheur
où se risque une voix tremblante
que ne guide plus rien
que son ombre

et rien
derrière soi
qu’une parole exténuée
meurtrie abandonnée aux
soifs de ses questions

juste aux lisières du silence

Coeur endurant détail

 


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Note liminaire – Le Coeur endurant

Feuille rouge Coeur endurant

Note liminaire au recueil LE CŒUR ENDURANT, Michel Diaz – éditions de L’Ours Blanc, 2016 

« Désireux de placer quelques mots au seuil de ce recueil, je ne puis que me retourner vers l’image qui sert ici de titre, empruntée à un poème de Philippe Jaccottet, afin de souligner ce que les mots, qui se frayent un chemin dans l’ombre et le silence, comme font les racines des arbres, réclament de « cœur endurant ».
Lui rendant par là double hommage, je citerai aussi ces vers du même auteur, extraits de L’ignorant :
La nuit n’est pas ce que l’on croit, revers du feu,
chute du jour et négation de la lumière,
mais subterfuge fait pour nous ouvrir les yeux
sur ce qui reste irrévélé tant qu’on l’éclaire.

« … qui reste irrévélé tant qu’on l’éclaire » ?
Cela pose, en une formule, le paradoxe propre à la parole poétique, tentée de dire l’indicible, ou tout du moins de l’approcher mais qui, en le disant, ou du moins tentant de le dire, en fait ce feu de paille qui retourne à sa vocation d’indéfinissable silence.
Ce qui est dit se meurt déjà, avec le premier mot osé, et ce qui n’est pas dit, inassouvi, est parole qui, comme un puits d’eau noire, brûle de l’incendie de son propre désir.
Mais qu’importe, s’il s’agit avant tout de creuser dans l’humus premier du langage pour tenter d’accorder son cœur aux pulsations du monde et aux murmures d’une voix profonde qui jamais, en nous, ne s’apaise ?
Et encore, toujours, faut-il pouvoir faire coïncider le monde nu, offert à nos déchiffrements et s’y dérobant à la fois, cela même qui constitue l’infini du réel, avec l’obscur tâtonnement des mots de la parole – dont la si lente progression « vers le poème » relève moins d’une volonté de l’esprit que d’une aventure magique et toujours incertaine.

C’est dans cette partie engagée, ce jeu de forces opposées, d’écorces arrachées à la chair du silence, que se joue le sort de « l’irrévélé », car le mot tu est aussi celui qui clôture la nuit à jamais. »

M. Diaz

Dessin de couverture de Jeannine Diaz-Aznar