Quelque part la lumière pleut, Michel Diaz
Editions Alcyone, collection Surya
Quelque part la lumière pleut… Ce titre, dont les mots sont empruntés à un poème de Silvaine Arabo, pourrait résumer ce qui donne sens au projet poétique et à la démarche de vie de l’auteur, balisés ici par les trois sections du recueil, Dans l’incertain du monde, S’essayer à vivre plus loin, Travailler à l’offrande. Par-delà ce qui pousse le poète, dans le même mouvement, à creuser les chemins de son intériorité et interroger le réel du monde, ces poèmes, pour la plupart « nés du confinement », sont aussi un regard sur ce monde, tel que la déraison humaine nous l’a fait, qui s’emploie un peu plus chaque jour à le rendre un peu moins habitable. Démêler ombres et clartés de l’être se double, dans ces pages, du questionnement inquiet sur ce crépuscule qui nous menace. Mais au rebours de toute obsession existentielle qui ne cultiverait que ses incertitudes ou ses craintes, ils constituent l’arrière-plan sur lequel constamment s’expriment le combat pour gagner la lumière, la foi dans la beauté des choses et ce qui vaut que l’on chemine (même si désespérément parfois) dans l’amour obstiné de la vie dont la poésie renouvelle toujours la présence. Michel Diaz
« Quelque part la lumière pleut » est un grand livre parce qu’il s’agit d’un parcours initiatique, en ses trois parties justement, de « l’incertain » à « l’offrande », et l’auteur s’est départi de l’esprit de conquête pour « s’essayer » ou « travailler ». Sans doute est-ce pour cela qu’il est, malgré tous les obstacles, sans cesse en mouvement. Ce qui caractérise d’un bout à l’autre ce livre, c’est le rythme, le rythme inlassable, constamment renouvelé. Et j’aime que s’il n’y a pas de majuscule au début d’un paragraphe ou d’une phrase, il n’y ait pas non plus de point à leur fin. (Je déteste les points !) Le rythme est fécond, le rythme ne trompe pas, il puise à la source des aspirations profondes de l’auteur.
Mais emporté par ce rythme d’ensemble, vous n’en êtes pas moins aux aguets à chaque instant, ouvert à toutes les surrprises. Je pourrais citer ici de nombreux passages qui m’ont touché : par exemple « celui qui penche son visage sur la mer pour se défaire de lui-même » (pas la peine que j’explique pourquoi) ou bien, plus loin, ce merveilleux « tremblement neigeux qu’une aile de hulotte a laissé sur l’arête du toit »… […]
Pierre Dhainaut
Rien ne pouvait mieux m’apporter réconfort – en ces temps singulièrement sombres – que ce merveilleux poème-fleuve « Quelque part la lumière pleut ». Dans le droit fil de plusieurs livres qui m’avaient profondément touché (« Comme un chemin qui s’ouvre », « La source, le poème »…) vous nous livrez là un ensemble admirable voué tout entier à « l’inépuisable éloge des eaux vives ».
Quelques méandres de ce long parcours éveillent des souvenirs de lecture (les pièces publiées dans le « Concerto… » de Colette Klein, notamment). Je crois qu’une lecture continue, d’une seule traite, serait nécessaire pour rendre justice à l’ampleur d’un tel poème, foisonnnant en même temps que porté par un courant tranquille (ceci ne m’a pas été possible dans les circonstances et préoccupations de ces dernières semaines).
Charriant des images qui vous sont familières (les arbres, les oiseaux – dans leur vol ou leur chant), le flux poétique est porté par un élan toujours réactivé au sein des ondes et des songes. Si l’ensemble conserve je ne sais quoi de nocturne (comme si le rêve affleurait dans les remous et les réminiscences), c’est bien à une lumière espérée, à une aube bruissante de mots qu’il nous mène, où nous n’aurions pas cru pouvoir accéder. Cette lumière du matin qui tombe sur les arbres, ceux-là qui savent recueillir « le fragile butin de la fraîcheur des choses ».
Je me réjouis de constater que vous avez pu, malgré tout ce qui s’oppose, depuis deux ans à la création la plus exigeante, publier cet impressionnant monologue qui se place bien au-dessus de ces « poèmes du confinement » qui encombrent aujourd’hui les revues.
La très belle édition due à Silvaine Arabo fait honneur à Alcyone – que je connais par plusieurs recueils de Jean-Louis Bernard.
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Michel Passelergue, Paris, 13 avril 2022