Le gardien du silence – Michel Diaz (avr. 2014)

Le gardien du silence

Le Gardien du silence, éditions de L’Amourier, 2014

4ème de couverture :

« Ce que nous ne pouvons comprendre tout à fait, ou ce dont la réalité exacte nous échappe,
ou ce qui semble encore s’avancer vers nous derrière sa muraille de brumes et qui,
tout naturellement, se charge de lourdes menaces, nous pouvons toujours essayer de le traduire en mots, pour en prendre un peu plus connaissance ou seulement l’exorciser,
mais nous ne pouvons le transmettre vraiment que par le silence ou, plus exactement,
par les obliques et tortueux chemins d’une parole qui ne bruit que pour éclairer, en son centre,
d’un faisceau de lumière incertaine, l’espace opaque de ce qui se tait. »

Dans ce recueil de cinq nouvelles, Michel Diaz démontre, encore une fois, sa maîtrise d’un genre qui donne tout son relief à l’intensité dramatique. Entre deux mondes, le collectif et l’individuel, l’Histoire et l’intimité des êtres, l’auteur décrypte les interactions pour en cultiver l’effet miroir.

 

Extrait : « Aussitôt qu’il avait aperçu les deux hommes devant la grille, à travers la fenêtre de la cuisine, un inspecteur et son adjoint en costume civil, lui était apparue, fulgurante, la certitude qu’on avait retrouvé son carnet. Un carnet à petits carreaux qu’il avait perdu dans le parc où il se rendait chaque jour et en toute saison, un grand parc arboré qui suivait les méandres de la rivière et où il s’attardait à marcher longuement en promenant son chien. Il ne sortait presque jamais sans l’emporter, le glissait dans la poche intérieure de son blouson ou celle arrière de son pantalon, avec un stylo-bille ou un bout de crayon, l’en tirait pour noter, adossé à un arbre ou assis sur un banc, les quelques phrases qu’il avait d’abord tournées dans un coin de sa tête, puis le remettait dans sa poche et poursuivait sa promenade.
C’était un carnet bleu, à couverture plastifiée, rempli presque aux trois-quarts de réflexions hâtives et désordonnées, griffonnées dans une écriture serrée que l’on pouvait dire illisible. Il l’avait égaré quatre jours plus tôt, inexplicablement, et ne s’en était rendu compte qu’une fois arrivé à sa porte, sur le coup de midi, alors que dans sa paume cliquetait déjà son trousseau de clés. Il avait aussitôt rattaché son chien, retraversé le boulevard, et foncé jusqu’au parc dont il avait refait le tour, en sens inverse, au pas de gymnastique, essayant de remettre ses pas dans les mêmes allées et les mêmes sentiers herbeux, le long de la rivière, de retrouver les haltes qu’il avait pu faire, de reconstituer ses gestes, traversant les mêmes bosquets qu’il avait traversés deux heures auparavant, posant la pointe de ses fesses sur les mêmes bancs, fouillant des yeux l’espace devant lui, et les laissant courir au ras du sol, petits chiens fureteurs qui précédaient son corps.
Il était revenu bredouille, cœur battant, essoufflé, jambes molles, de très méchante humeur, avec une heure de retard sur l’heure habituelle du repas que Luisa, bien plus inquiète qu’impatiente, avait remis à chauffer. Avec le très désagréable sentiment aussi d’avoir abandonné une partie de son intimité à la curiosité malsaine et potentiellement malveillante du premier sale type venu. Qui ne saurait rien être d’autre qu’un mouchard.
Et le ventre noué d’anxiété, il n’avait rien pu avaler. »

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