Note d’introduction – Le Gardien du silence

Note d’introduction au recueil de nouvelles Le Gardien du silence (éd. L’Amourier, avril 2014)

Il y a des silences fermés sur leur secret. Et d’autres, par lesquels un secret se révèle.

Et il y a les mots de la parole qui, parfois, ne font qu’ajouter au silence un silence plus grand encore. Ou, au contraire, le déchirent dans le frémissement inespéré de ce dont ils parviennent à le délivrer.

Ce qui est sûr encore, c’est que le monde dans lequel nous évoluons, qui nous entoure et que nous percevons, croyons pouvoir interpréter, échappe en grande partie à nos sens. Comme certaines fréquences de couleurs échappent à notre rétine, ou certaines fréquences de sons à notre ouïe. Si la splendeur de la palette que composent les couleurs ultra-violettes demeure invisible à nos yeux, et le demeurera toujours, la richesse des ultrasons, pour ne parler que d’eux, échappe aussi à nos oreilles. Quant à notre odorat, notre toucher et notre goût, ce ne sont, eux encore, que les instruments imparfaits de ces tâtonnements d’infirmes qui nous ouvrent ces routes étroites sur lesquelles nous avançons.

De même, l’autre, celui-là, que nous essayons de comprendre pour l’approcher au plus près de lui-même, reste ce monde auquel, réduits à nos limites, intelligentes, affectives et sensorielles, nous n’avons que très partiellement accès et que, pour tenter de le mieux connaître, nous sommes en grande partie contraints d’imaginer.

Aussi, ce que nous ne pouvons comprendre tout à fait, ou ce dont la réalité exacte nous échappe, ou ce qui semble encore s’avancer vers nous derrière sa muraille de brumes et qui, tout naturellement, se charge de lourdes menaces, nous pouvons toujours essayer de le traduire en mots, pour en prendre un peu plus connaissance ou seulement l’exorciser, mais nous ne pouvons le transmettre vraiment que par le silence ou, plus exactement, par les obliques et tortueux chemins d’une parole qui ne bruit que pour éclairer, en son centre, d’un faisceau de lumière incertaine, l’espace opaque de ce qui se tait.

Michel Diaz

Une réflexion sur « Note d’introduction – Le Gardien du silence »

  1. Jean-Claude Vallejo

    Note d’introduction éclairante sur le pari d’écriture qui conduit ce recueil, explorant aux limites des sens ce qu’on peut connaître du monde, de l’autre; écrire, pour essayer d’avancer dans l’inconnaissable.

    Jean-Claude Vallejo

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