Florence Saint-Roch – un poème inédit

Faire le mur


il est gigantesque sept mètres de haut
l’œuvre têtue d’une cohorte de maçons
derrière ses vieux ciments ses briques ébréchées
le reste du monde disparaît
imperturbable catégorique
il énonce la limite
rend impossible le grand saut


je ne peux pas sortir de mon jardin


malgré son immobilité
rien d’inerte chez lui
bien obligé comme nous
il subit des contraintes
absorbe les pluies essuie les orages
c’est un organisme vivant
sûrement ses étagements se souviennent
strates de mémoire poids des ans


quand le vent visite ses interstices
dans les failles les fissures
s’animent des souffles des murmures
appels diffus rumeurs troglodytes
quantité de voix incompréhensibles


et toutes mes questions
dites
qui y répondra


face au mur je me continue
sans doute il vaudrait mieux que je mue
faute de pouvoir franchir
parfois on devient
on incorpore l’obstacle
on le fait sien


pour ce passage autrement
ruses de sioux appel de l’intuition
j’oublie les réserves ordinaires
dans ce qui me reste de tête(personne n’en saura rien)
je me badigeonne d’ocre et de rouge
chaman dérisoire j’appelle le chant
ventre contre ventre peau contre peau
je m’emmure je m’imbrique
je joue mon va-tout


si je sors de moi dans le jardin


peut-être pourrais-je découvrir le nom du mur
respirer avec lui
comprendre ses mots

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