Cristaux de nuit – Michel Diaz (avril 2013)

 

Quatrième de couverture :

      Le thème qui rassemble les textes réunis ici est celui de la langue même, son désir de traduire en mots ce qu’il faut arracher au silence. « Toute parole tue est reposoir d’obscurité », écrit l’auteur dans sa préface en citant René Char. Ainsi, les pages consacrées au fleuve nous ouvrent un imaginaire poétique où la parole nous invite à questionner l’apparence du monde, à écouter au fond de nous le murmure des mots d’avant toute parole et le temps d’avant toute mémoire. Cette parole s’essayant encore, en d’autres pages, à épouser le mouvement de la pensée dans les tâtonnements de l’acte poétique, les vertiges de son errance, nous entraîne dans les dédales de son cheminement, au bord de l’indicible même où toute langue se dissout, tout langage s’effondre.

Poésie qui questionne et qui se questionne, cette démarche est celle d’un poète dont l’écriture, qui peut être solaire ou plus sombre, lyrique et sobre tour à tour, s’attache à cerner l’essentiel de ce que lui ouvre sa quête.

Extrait du recueil :

 Il y a dans le cœur de terribles labours

pareils à ceux de la tempête acharnés sur la mer

il y a tant de sang confus au fond  des yeux

que les jambes parfois titubent sur la route

 

où sont les mains tant espérées

si douces à la nuque aux hanches si brûlantes ?

les mots tressés

comme des lianes à la branche des jours ?

les jours peuplés de feuilles

et les feuilles de nids ?

 

les heures vont pourtant

creusant leurs traces de glacier

le gris du ciel grince aux lucarnes

chaque aube doit lutter contre un nœud de nuages

 

où aller cependant

malgré les certitudes qui s’effondrent ?

sinon vers moins d’impatience moins de harcèlement

moins de cris discordants au bord des puits stériles

au fond desquels veillent les monstres ?

où sont les mains tant espérées ?

 

qu’espérer d’autre que des yeux

aptes à déchiffrer la pluie

des paumes transparentes au soleil

un battement de cœur qui se satisfait d’exister ?

 

il faudrait tout bas épeler

la nuit et l’eau qui se donne

la respiration de la lampe

le chat qui dort le chien qui rêve

la paisible araignée qui tisse le silence

où sont les mains tant espérées ?

 

l’ombre qui me regarde s’accoude à la fenêtre

y découpe la face du ciel

y imprime l’haleine de l’hiver finissant

 

brûlante note de hautbois

le cri d’une effraie troue

la vitre comme une étoile

 

il y a dans le cœur de terribles labours

il y a tant de sang confus au fond des yeux

mais dites-moi :

où sont les mains tant espérées ?

Cristaux de nuit - Couv 001