Chronique publiée dans le n° 39 de L’Iresuthe
Éditions Musimot, lieu-dit Veneyres 43370 Cussac sur Loire Site : musimot.e-monsite.com
Sous la forme d’un journal, qui va du 21 décembre au 26 mars, sans spécification des années, le poète-narrateur s’enfonce dans un hiver intime, tous les sens en alerte, en une attraction vertigineuse aux bords du monde, de la matière et du temps « juste en équilibre sur la ligne de crête du souffle ». Il avance, par paliers dans l’obscur de la nuit et de l’enfermement, tout à l’écoute de la blancheur inquiétante telle celle de « ces longs flocons qui tombent ». Entre les faits du quotidien, le bol du matin, et « l’archaïque mémoire », il tente de dire l’invisible, de voir l’inaudible, d’entendre l’indicible… Mais peut-on remettre de l’ordre dans ce qui n’en peut avoir ? Quelle « digue » construire face à « l’incohérence du monde et de son absurde déferlement » ?
Quel labyrinthe se hasarde-t-il à explorer, guetté par quel minotaure au lourd halètement, et hanté par les bruits du « mufle qui s’abreuve à l’auge de la douleur des hommes » ?
Douleur d’habiter son corps, d’habiter le monde, « douleur d’être », rêve de délivrance. Détresse de l’égarement. Remontée du souvenir pour plonger dans l’oubli. « Tentative infinie pour figurer sur une belle scène d’où nous efface en un instant la chute du rideau. »
Il interroge ce que c’est que vivre, « se sentir vivant », en de magnifiques proses poétiques, puissamment entêtantes, jusque au choc extrême de la fin, totalement suffocant. Impressionnant. Ultime fêlure, brisure, ou coupure, « au-delà de l’espoir », dit la 4e de couverture, oui sans doute, mais surtout, je pense, « au-delà du désespoir ». Et j’ajouterais volontiers cette question : « et après le désespoir ? … » Tout un hiver dans les tréfonds de l’indicible pour se retrouver, sur « le blanc de l’émail », au seuil de quel printemps ?…
Jean-Claude Vallejo
À propos de Michel Diaz
(À partir de sa notice biographique)
Né en Algérie, il vit à Tours où il a enseigné la littérature et l’art dramatique. Il s’est essayé très tôt à la poésie. Mais passionné aussi par le théâtre, et soucieux d’explorer de nouvelles formes dramaturgiques, il a écrit une douzaine de pièces (…) Parallèlement, sa démarche poétique l’a toujours conduit à se confronter, avec exigence, à la matière du langage et au mystère de la page blanche pour tenter de trouer cette part d’inconnu qui s’ouvre devant soi, de saisir l’être au plus intime de lui-même, de poursuivre ce qui, du réel, pourtant là, constamment se dérobe et que seule la poésie a pouvoir d’exprimer. Il est actuellement directeur de la « collection nouvelles » aux Éditions L’Ours Blanc. Sa bibliographie, débutée en 1975, comporte nombre d’ouvrages de poésie, de livres d’artistes, de pièces pour le théâtre, d’essais, de nouvelles. Il publie régulièrement dans L’Iresuthe.
Vient de paraître aux éditions de L’Ours Blanc, Le Cœur endurant de Michel Diaz
Recueil de poésies 98 pages, 10 euros en souscription (12 euros prix public) Illustrations : Jeannine Diaz-Aznar
« Il n’est d’ineffaçable que le sang du rêve au verso du sommeil il n’y a encore que la flamme impassible du temps et la braise hagarde des mots pour obséder la nuit » (extraits du recueil)
L’Ours blanc, 28 rue du Moulin de la Pointe 75013 Paris