L’Herbe folle n° 9 – 2 textes inédits
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Retour à la source
A mesure que les eaux montent, les rivages gémissent sous l’aisselle grise des pluies et les râles des plaintes glaciaires,
et si les sources tournent leur eau claire en poison, c’est qu’elles asphyxient au fond de leur tanière, comme agonise l’animal blessé, ou comme pour mourir on s’enveloppe dans les plis d’un vieux vêtement.
Toi,
l’échappée, la belle, l’insoucieuse des jours anciens, toi seule sais encore pactiser avec les nuages qui sont partout chez eux, déchiffrer l’éboulis fracassant des orages et répondre au brame lointain des laves souterraines.
Qu’as-tu à faire que tout l’univers tienne dans un seul grain de sable ? Qu’un homme passe sur la terre, et que mort ou vivant il ait la même transparence qu’une écharde de verre ?
Ce n’est là qu’une histoire banale au terme prévisible, à laquelle le cœur se donne autant qu’il s’en détourne.
Il y a toi encore,
l’égarée insoumise, confiante en ta saison, la cinquième et encore innommée,
celle qui prélude à la soif de jours neufs et au temps advenu qui lèvera le voile de la vie sur de nouveaux élans
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Au clou rouillé du soir
Lumière
à la vie brève, comme l’est un jour de décembre, aux heures sans douceur, à moins qu’elles fussent de neige et de silence tamisé,
où toute branche délestée d’oiseau ne tremble que du poids sans couleur de l’attente dans laquelle s’infiltre et remonte la crue inexorable de la nuit.
On observe cette heure dont on ne sut que faire, dont les fleurs de givre s’accrochent aux barbelés des mots et aux ronces de la mémoire, essayant de comprendre en quoi ce qui finit allège de sa solitude tout ce qui a déjà échu. Ces coulisses d’un temps d’où l’on ne revient pas.
On est au bord de rien, comme aussi bien au bord de tout l’imprévisible,
un fagot de sarments, des morceaux de bois sec dont certaines brindilles peuvent se rallumer à la moindre étincelle de la pensée.
Michel Diaz,