LE GARDIEN DU SILENCE – L’IRESUTHE, N° 31 – Septembre 2014

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Des nouvelles de Michel DIAZ, lues par…  Jean-Claude Valléjo
Michel DIAZ –  LE GARDIEN DU SILENCE – L’Amourier éditions, 2014

Michel Diaz nous propose régulièrement depuis quelques temps des nouvelles où l’on peut apprécier les qualités de sa langue et l’univers qui est le sien. Nous avons reçu au cœur de l’été ce recueil de cinq nouvelles, précédé d’une note d’introduction éclairante sur son pari d’écriture, explorant aux limites des sens ce qu’on peut connaître du monde, de l’autre ; écrire pour essayer d’avancer dans l’inconnaissable. Sa prose est empreinte de poésie, de fantaisie, d’humour et de désespoir. Les nouvelles illustrant son propos sont de petites merveilles.
Image 2 Gardien du silence
Le personnage de Garde à vue, Antoine Garapond, est un retraité de l’enseignement, paisible et vieillissant, comme il se doit, menant une vie bien ordinaire. Par quel mystère la perte d’un carnet apparemment anodin va-t-elle le conduire devant un juge ?… Vers quel abîme va-t-il basculer, avec Luisa, son épouse ?… Michel Diaz révèle impitoyablement nos angoisses sociétales actuelles. Seul récit à la troisième personne parmi les cinq du recueil.
Dans Le Gardien du silence, qui donne son titre au recueil, pourquoi le narrateur, homme de théâtre, tient-il tant à rencontrer Raymond, l’ancien gardien et fondateur du musée d’un camp d’internement des Pyrénées Orientales ? Avec en toile de fond la Retirada, la guerre, la collaboration et la Résistance, un texte émouvant tendu sur le fil fragile de la mémoire et de la vie.

Quel « acte irréparable », parvenu à la quarantaine, le narrateur des Quarantième rugissants a-t-il pu commettre ?… Au moment du décès du père, la tension avec sa sœur jumelle, eux que tout oppose, monte, paroxystique, jusqu’à la folie, jusqu’au point de rupture ultime…
Après un premier paragraphe remarquable sur l’écriture, et son « inconsolable clarté »,
le narrateur nous fait assister à une Invitation bouleversante de solitude où la rumeur du restaurant se fait étrange silence pour accueillir une scène spectrale, car « la conscience des choses est quelquefois obscure. Sans doute est-ce dans le plus grand éloignement qui soit, dans l’absence la plus absolue, qu’il est possible aux âmes de se rapprocher le plus et de tisser entre elles ces correspondances secrètes où se pose la voix de l’imprévisible. » Les histoires de Michel Diaz frôlent parfois le fantastique. Avec délicatesse.

Le recueil s’achève sur un Portrait de l’auteur en jeune homme sur une table d’autopsie, dans un curieux face à face avec son légiste. Humour et fantastique, donc. Et dérision : « Je déteste pourtant, d’habitude, être dérangé quand je dors. » Face à face avec soi-même, ce qu’on fut,
ce qu’on sera. Extraordinaire d’intense frénésie, la langue de Michel Diaz semble par moments s’en aller du côté de Maldoror auquel ce texte vertigineux me fait de loin penser. Cet incertain voyage immobile fait de cet improbable narrateur, à sa manière, un autre gardien du silence.

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Les personnages et les narrateurs de ce recueil ont des rapports tortueux, complexes et contrastés, au monde, à l’autre, aux proches. Leur solitude tragique ou simplement pathétique se résout à travers les mots et l’écriture, pour repousser les limites de l’indicible, les mots écrits pour traverser ces silences qui nous assourdissent.
Des nouvelles à découvrir au plus vite.

JCV