Michel Passelergue, un extrait (inédit) du « Roman pour Ophélie » :
37. DE LOIN, TOUJOURS
« A l’horizon, sous une épaisse nuée de cendres, notre théâtre rassemblait vaisseaux et voilures. Quelques voix depuis les combles s’éveillaient, nous éclairaient. La nuit avait retourné le sablier des songes, et je rêvais toujours plus loin à son lumineux visage, havre dernier jour pour tous mes messages au long cours. Un orchestre aux ombres écumeuses moussait sur le rivage, aimanté par l’invisible. Nous naviguions, absent l’un à l’autre, comme goélands perdus. Opéra de l’éclipse et de l’éclair, le poème était de haut bord. Nous survolions même infini d’ondes oubliées, criques ardentes, récifs hors champ. Quel mirage aurait pu délier les nœuds de notre affinité secrète ? De quelle vie lointaine, de l’autre côté de l’océan, viendrait sa silhouette crépusculaire – paupières closes, estuaire et château ouverts au même vent de l’âme – les bras tendus sur son esquif de silence ? »
(Poème inspiré par l’opéra de Kazja Saariaho « L’amour de loin », que j’avais vu en 2001 ou 2002 au théâtre du Châtelet. Evocation de la vie de Jaufré Rudel.)