Cher Michel Diaz,
dès les premières lignes, j’ai été saisi par la profondeur trouble qui se devine dans la voix de votre Ulysse, peut-être pas « moderne » ou « revisité » mais simplement porteur d’une parole poétique rongée par l’inquiétude face au temps, à la distance. Ceux-ci sont nommés d’entrée de jeu, visés plutôt par la flèche vengeresse d’un poète errant sur le point de décocher l’arme du mot juste.
La forme épistolaire de ce livre ne peut que me combler (il y a longtemps, de mon côté, avec plus ou moins de bonheur, j’ai vu dans le poème-lettre un moyen efficace de revigorer la poésie – notre Ithaque inaccessible).
Il y a, entre ce nouvel ouvrage et ceux que je connais de vous, d’évidentes correspondances. La thématique du verger, des arbres, rejoint celle qui porte le recueil Né de la déchirure. Et la quête incertaine d’Ulysse n’est pas sans ressemblance avec ce qui traverse le journal intime de Fêlure. N’est-ce pas déjà la voix d’Ulysse qu’on entendait dans : « De quelle bataille suis-je celui que l’on abandonne à lui-même ? »
Ce qui me frappe aussi, c’est que votre interprétation pessimiste (à première vue) de la légende d’Ulysse ne consiste pas à simplement souligner « l’immense vanité de tout, qui vient de Rien et y retourne », « avant de s’en aller, solitaire, pour ne plus revenir » – mais encore à conserver malgré tout une « intarissable ferveur » jusque dans « l’ultime mot sur nos lèvres, un mot dont dont chaque lettre épèlera ton nom ».
La conscience de la finitude n’est-elle pas le plus sûr garant de notre amour de la vie ?
Sans doute ma lecture aura été marquée, plus ou moins, par ma propre expérience de remémoration – celle qui sous-tend mon Roman pour Ophélie (je le tiens aujourd’hui pour achevé, ce qui ne veut pas dire parfait…).
Le verger abandonné : un livre magnifique, tant par son contenu poétique que par la qualité éditoriale.
Un grand merci pour cette lecture qui m’a beaucoup touché.
Bien amicalement à vous.
Michel Passelergue