A propos de Fêlure, par Michel Passelergue
Un grand merci pour l’envoi de ce livre si intimement personnel.
Vous évoquez des « confidences » dans votre dédicace et assurément ces textes écrits à la première personne ont tout l’apparence d’un questionnement sur un mal-être personnel. L’expression « mal-être » m’est venue spontanément sous la plume, sans doute en relation avec un titre de Pierre Dalle Nogare, poète auquel j’ai consacré jadis une longue étude, parue dans « Le réel, j’imagine », recueil d’essais qui m’avait coûté des années de travail avant d’être refusé par environ 50 éditeurs (oui !), puis publié , presque malgré moi, à L’Harmattan, « usine à livres » peu recommandable.
« Confidences » donc qui se développent à la manière d’un journal intime – journal significativement hivernal. Confidences égrenées au fil du temps mais ne dévoilant qu’in extremis la nature de cette fêlure existentielle, qui se devine en filigrane en chacune des pages. De celles-ci la « blancheur somnolente » ne cesse d’ajouter doutes et découragement à l’interrogation douloureuse sur le sens qu’il y a à vivre parmi les mots, autant qu’à espérer un repos dans le silence. Votre écriture, superbement maîtrisée, d’où émane une si grande et fine sensibilité, fait de ce livre un objet précieux éclairé tout de même en profondeur de cette lumière innommable et insaisissable dont brûlent les fragments de glace qui fondent au soleil. Oui, ce texte de mal-être, dans le froid de l’hiver installé brille d’une lente brûlure dont nous ressentons, nous aussi, intimement les effets.
La qualité de l’édition de Fêlure par Musimot (une appellation qui ne peut que me séduire) confirme le caractère là encore « confidentiel » (mais dans un autre sens) de votre poésie, bien à part dans le paysage encombré et confus de la poésie d’aujourd’hui. (Je serais volontiers favorable à l’élitisme pour tous, mais qui pourrait nous faire approcher cette chimère ?)
Avec mon amitié.
Michel Passelergue