Les Carnets d’Eucharis N°20 – Mai 2010

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Loire, lits profonds

Photographies de Thierry Cardon.
Texte de Michel Diaz.

Devait initialement paraître aux Editions Adam Biro en 2011.
Ce texte a été publié (avec 3 photos de Th. Cardon) dans le recueil Cristaux de nuitaux Editions de L’Ours blanc (2013).

 

Un beau livre qui nous invite à explorer de façon intime et singulière notre dernier fleuve sauvage… (Note de l’éditeur)

L’ouvrage Loire, lits profonds, qui contient 56 photographies et une cinquantaine de pages de textes poétiques et analytiques, se compose de deux parties.

Dans la première, Bois levés, le photographe Thierry Cardon nous propose des images de la Loire en totale rupture avec celles qui nous sont habituellement proposées du beau “fleuve royal”. Ici, la Loire n’est pas photographiée dans un souci qui sacrifie à l’esthétique paysagiste, mais elle plutôt “pénétrée”, dans ses plages et ses varennes, par un regard qui nous conduit dans les secrets de son intimité. Regard aigu qui nous propose un monde que l’oeil ordinairement ne voit pas, et que les mots de Michel Diaz nous permettent aussi d’approcher: un espace livré à la seule puissance du fleuve, étrange et envoûtant, mais sourdement hostile et inquiétant, où les forces obscures de la nature continuent toujours de mener leur ballet de vie et de mort.

Dans la seconde partie, Amas, les photographies de Thierry Cardon et le texte de Michel Diaz nous invitent à plonger dans l’archéologie intime de la Loire, à lire sur le sable de ses plages l’histoire que le fleuve entretient, depuis l’Aube des temps, avec celle des hommes, à nous interroger encore sur la fondation des mythes à travers lesquels la nature et l’humanité s’éclairent d’un sens réciproque. Mythes dont les deux auteurs de cet ouvrage se proposent de réactiver la lecture dans une quête presque initiatique, nous invitant à explorer notre rapport au monde, à questionner ce qui nous est donné à voir pour tenter de le relier aux troublantes questions de nos origines.

Extraits du texte :

“Tout cet espace déployé dans le regard

sa hauteur lumineuse

qui n’est pas seulement édifice de ciel et d’air

gréé d’azur et de clameurs

vaisseau de formes fluides

éternellement aspirées

vers ces vagues lointains où les eaux se rassemblent

 

Il faudrait

dire encore le fleuve

son fret d’images craquelées

et la terre couchée devant lui sous le soleil

qu’il a serrée comme une proie

et qu’il étreint comme une amante

son fond doux et sableux à mesure emporté

ses beaux bras foudroyés sur leur lit d’eaux rugueuses

de boues ingrates et d’odeurs fauves quand la chaleur meurtrit l’été

ses mains rampant dans les fourrés d’épines

sur les plages où pourrissent poissons et mouettes

et la pulsation de sa gorge ouverte sur l’arête des pierres

d’où s’épanche à voix de blessé un peu de cette vérité qui dure…”