FÊLURE, lecture par Valérie Canat de Chizy, publiée dans la revue Verso N° 171.
MICHEL DIAZ : FÊLURE – Editions Musimot, 2016
De courts textes en prose, écrits à la façon d’un journal. Une écriture sensible et subtile pour dire la fragilité de la vie, les instants à peine perceptibles qui en font la beauté, comme « ces lentes minutes, ces lentes secondes », l’imperceptible marche du temps. Car « il y a une vérité, pour chacun, à habiter le monde ». Car « même dans le silence, le rythme continue à battre. Celui de l’univers et celui, sourd, du temps ». Il y a le miracle d’être là, présent. « Le café fume dans le bol posé sur le rebord de la fenêtre. Des mésanges à longue queue s’agrippent aux rameaux dénudés du lilas. Venues faire ration de graines et de graisse ». Puis, le narrateur se souvient. Il se souvient avoir été, dans sa jeunesse, coupé des autres de par l’absence de paroles. Les mots ne sortaient pas de la bouche, créant une rupture, un exil. « Je ne pouvais, enfant, que me tasser au fond de mon mutisme, serré contre les bouées noires de l’angoisse, en attendant que la prochaine vague me prenne dans ses doigts visqueux et me rejette, comme un oiseau mort, sur un rivage enseveli sous son lourd linceul de pétrole ». Par petites touches, Michel Diaz polit ce souvenir, comme la mer le ferait d’un galet. Il interroge aussi la présence au monde et la solitude. Ses proses dévoilent une fêlure mais l’on sent malgré tout battre le cœur de la vie.
Valérie Canat de Chizy