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Quelque part la lumière pleut, lecture de Jean-Pierre Boulic

MICHEL DIAZ, Quelque part la lumière pleut, Éditions Alcyone 20 €

Note de lecture publiée in Diérèse N° 84

Il y a parfois des ouvrages dont l’abrupt, comme une haute falaise à escalader, inciterait à rebrousser chemin, surtout lorsque « le soleil noir de la mélancolie » (Nerval) pèse lourdement sur les têtes – cette falaise qui est en apparence un monde sombre ayant semble-t-il perdu toute raison…et les événements qui assaillent l’époque le prouvent cruellement, jusqu’à laisser pressentir maints désastres.

Dans une telle affaire, on est en droit de se demander ce que vient faire un recueil de poèmes tandis qu’effectivement tout le monde se veut occupé (et pour cause, l’agitation de l’utilitaire, la primauté du consumérisme, le quant à soi). Eh bien justement !

Voici que Michel Diaz,  en « guetteur », offre d’un grand souffle « jusqu’à l’usure du cœur » un regard mesuré sur l’histoire réfléchie de quelques mois (janvier-mai 2020). Il propose de nourrir une réflexion (« ce que l’on écoute, c’est ce que nous révèle une urgence de l’âme dans l’instant mis à nu ») car la fuite de la raison évoquée dans les lignes précédentes fait « nos saisons, chaque jour, un peu moins habitables et la mort un peu plus béante ».

L’auteur lance un cri du cœur, parce que souffrant, au sujet du dépit du monde « toujours en guerre contre les vivants et contre la vie elle-même ». Pour exemple, la pandémie avec ses affres s’incruste là, les distances s’instaurent, les blessures se répandent : « je la  regardais s’en aller » « mourir d’une lente et vaste solitude ». Pages poignantes, entre autres,  dédiées à la maman du poète qui ne veut pourtant pas céder « aux appels des sombres nostalgies ». Oui, Michel Diaz, en habitué de la voix des oiseaux, d’un fleurissement de  vignes, du lent mouvement de l’herbe fraîche, sait voir et assumer la face escarpée du réel de la condition humaine et il choisit, par la grâce de se sentir vivant (mais toujours au prix du doute), de franchir le tumulte des agonies afin de « s’essayer à vivre plus loin ».

C’est la musique de Verlaine qui murmure avec l’éclaircie entraperçue : l’espoir luit, certes minuscule, mais sagement avec la vertu de la poésie qui sait s’arrêter pour voir et comprendre, toucher, entendre le vrai secret donnant à la femme, à l’homme, ce qu’elle révèle « avoir compris de l’enfance du vent » et permettre de faire « l’inépuisable éloge des eaux vives ». Intuition ou révélation émanant de la simple réalité des choses et des événements où quiconque peut retrouver son chemin « pour l’unique bonheur de [se] sentir vivant » tout en apprenant peut-être à exister de peu.

Cela incite le poète à s’inscrire dans un présent à construire en futur proche : « Tout est devant » mais avec cette clef qui ouvre le mystère que le poème sait porter pour aller effleurer un horizon créateur de sens « ce si peu sur la terre des jours – tendre vers la beauté, la musique des mots et des formes, vers cela seulement, l’évidence dans l’incertain, cela qui donne raison d’être à l’être ».

Voilà bien un itinéraire à emprunter. Bien sûr « Quelque part la lumière pleut » ! Elle rejoint cette confiance affichée par Ilarie Voronca (1903-1946) alors qu’il devait fuir en 1933 l’enfer balkanique : « Rien n’obscurcira la beauté de ce monde ».

                                                              Jean-Pierre Boulic

Quelque part la lumière pleut, lecture de Bernard Fournier

Michel Diaz, Quelque part la lumière pleut, éditions Alcyone, avec une encre de Sylvaine Arabo, 2022.

Note de lecture publiée dans Poésie/première N° ……

C’est avec une grande délectation que nous avons lu ce nouveau recueil de l’auteur du Verger abandonné, Prix Aliénor 2021. On avait bien vu dans le personnage d’Ulysse une image en creux du poète ; cette fois il parle en son nom, même s’il alterne les « je » et les « tu ». Il parle en marchant, nous convie au « nœud coulant de [s]es questions », ses doutes, plus rarement ses certitudes, sauf peut-être celle du langage : « l’acte du faire -ce qu’on appelle poésie -patauge dans les choses et la boue les plus concrètes de la vie » pour « tendre vers la beauté », comme sa phrase, simple, en prise avec le quotidien, rythmée, illuminée de métaphores.

Dans la première partie, le poète est pris dans l’« absurde conjoncture qu’est le fait d’être né » qui va de pair avec une grande nostalgie de la « quiétude originelle » qui contraste avec la dédicace à « Suzanne, ma mère » pour qui il écrit un poème très sensible : « Je la regardais s’en aller » « et j’ai jeté la clé qui s’est noyée au fond d’une larme salée »

Le poète marche et veut « S’essayer à vivre plus loin », titre de la deuxième partie, c’est-à-dire à « s’en tenir à la terre comme on lève un feu » pour survivre « à la plaie vive des incertitudes »

« travailler à l’offrande », la dernière partie, se veut plus optimiste : « tant que nous aiderons chaque matin à signer son envol d’une humble obole de lumière » pour une renaissance dans le « difficile effort de naître ». « offrande (…) pour ouvrir son nom à un pays qu’on ne saura jamais, qu’on devine là-bas, au bout de la parole ». La poésie avec « un mot, un seul, imprononçé, celui-ci ou un autre, mais qui, dans son silence, chaque fois, réengendre le monde ».

Ce livre s’organise autour de la figure de l’éditrice, dédicataire, qui l’orne, lui donne son titre, et dont on peut lire un de ses poème en exergue. S’instaure aussi un fructueux dialogue avec d’autres poètes.

Bernard Fournier

Le Verger abandonné, lecture de Marie-Claude San Juan

« Le verger abandonné », de Michel Diaz. Ulysse errant choisissant le non-retour, ou l’ascèse d’écriture et d’être, en récit métaphysique…
14/12/2021

Recension publiée in Trames nomades, 2021

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Car…

(En couverture, une photographie de Pierre Fuentes, une des contrées d’Ulysse… Comme une peinture du « bord du monde »)

Car Pauvreté est lumière éclatante de l’âme.
(…)
Venu de la clarté, il pénétrait
dans une clarté toujours plus grande,
et la gaieté habitait sa cellule.

Rainer Maria Rilke, Le Livre de la pauvreté et de la mort
(trad. de Jacques Legrand, Seuil, œuvres 2, poésie)

En nous le lieu
En nous l’instant
Nous consentons à être
le jour dans la nuit

François Cheng, Le livre du Vide médian (préface et poèmes)

Pauvreté… Comprendre dépouillement, détachement, arrachement à l’inessentiel. Même si dans le grand poème de Rilke la pauvreté des humbles est aussi présente.
J’ai choisi ces exergues car ils me semblent être une entrée possible dans ce livre particulièrement profond, qu’on doit relire et relire pour arriver à s’en extraire assez pour en parler. Et c’est Rilke que Michel Diaz a mis en exergue, citant un autre fragment du même grand texte (pour la notion de dénuement et la mention de l’exil, dont on peut entendre plusieurs sens, jusqu’à l’éloignement de soi par soi).
La lecture de François Cheng (je le développe dans une des dernières parties de ma recension), permet de comprendre une dimension essentielle du livre de Michel Diaz. Et notons déjà la présence du « lieu » et la notation sur « le jour dans la nuit » (thématique de la lumière et de l’obscurtité, centrale chez Michel Diaz).
L’écriture de ce « verger » est magnifique, la pensée est troublante, une méditation où nous devenons Ulysse errant, retrouvant nos propres exils et cherchant à apprendre cet itinéraire qui nous rendrait assez allégés et libres pour rejoindre la plus authentique part de notre être.
Je note que ce livre a été récemment primé (prix du Cercle Aliénor de poésie et esthétique). Et j’ai trouvé que c’était très mérité.

Publication des Éditions Musimot.
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Qu’est donc ce verger abandonné par Ulysse ? Et de quel verger Michel Diaz tisse l’arrachement ?
C’est à la fois un lieu et son absence, la marque d’un exil (lisant un poème de Michel Diaz, autre, j’ai pensé aussi exil de corps et âme : celui qu’on constate, celui qu’on élabore).
Le choix qu’il a fait de Rilke comme exergue est absolument adéquat. Car ce poème, ample, un des trois du Livre d’heures est un des très grands textes de Rilke, en affinité de démarche avec ce qu’écrit Michel Diaz. Et il donne la dimension de l’interrogation que les pages qui suivent vont tenter de fouiller plutôt que de cerner (poésie en prose que ces lettres d’Ulysse…).
Exil, le mot y est. « Tu es en exil », écrit Rilke, invoquant ce « dénué de tout » qu’est François d’Assise (qui fascine aussi François Cheng) et parlant aussi à l’être en chemin de lucidité, en capacité d’appauvrissement, pour un dénuement qui arrachera identité illusoire et ancrage éphémère. Deux espaces en cela, d’abord. Celui de l’errance réelle traversant les frontières et les mers, généalogie qui nous habite, et histoire personnelle dont on ne sait pas toujours quelle hantise est prégnante. Et celui de la tragédie humaine qu’est l’absence à soi, l’encombrement qui coupe de sa réalité. À l’inverse, le dépouillement est l’horizon désiré qui nous fera « dénué de tout », perdant ce qui nous empêche d’être notre essence.
Dans la traduction de Rilke par Jacques Legrand, Pauvre a une majuscule, Pauvreté aussi, dans deux vers. Quand cela signifie ce dénuement du sage accompli, hissé à sa dimension haute. Même si le texte de Rilke magnifie aussi les simples pauvres, ceux du manque, et constitue une sorte de prière à Dieu (à la transcendance) pour qu’il aide l’humain dans ce chemin de renoncement qui est la capacité de porter la conscience de sa propre mort. Mort finitude et mort symbolique des apparences.

Et c’est tout cela qu’aborde Michel Diaz.

Autres clés liées à Rilke. Le Livre de la pauvreté et de la mort suit celui de la vie monastique, et celui du pèlerinage. Un ensemble mystique. Or le voyage d’Ulysse n’est-il pas en quelque sorte un pèlerinage ? Et sa solitude volontaire, ici, qui le fait renoncer, dans le livre de Michel Diaz, au confort affectif, n’est-ce pas démarche d’enfermement monastique ?
Rilke est donc une porte pour entrer dans l’univers de ce livre.
J’étais intriguée, après voir tant lu Audisio et son Ulysse, de retrouver ce personnage méditerranéen mythique, mais faisant d’autres choix.

David Le Breton a écrit une préface intuitive (titrée Aspiration à l’absence), insistant sur le détachement qui remplace la nostalgie. Et son évocation de Simone Weil lui fait rejoindre aussi la dimension mystique de l’exergue. Le lien avec Edmond Jabès, qu’il cite aussi, est très bien pensé (« Le lieu véritable est-il dans l’absence de tout lieu ? Le lieu, justement, de cette inacceptable absence. »). Car Jabès est à la fois l’écrivain de l’exil réel, su et non su (parfois perdu dans les strates de notre inconscient) et de l’exil métaphysique, qu’il transforme en épreuve de sens et alchimie d’âme, en grand commentateur de la langue qui s’inscrit en lui, en tissant plusieurs, à l’égal d’un talmudiste éclairé.

L’Ulysse de Michel Diaz écrit des lettres en se cherchant. Il trace ses doutes et hésitations en lissant son chemin dans les mots autant que dans les lieux. Vraies lettres, adressées à l’épouse, au fils, au vieux père. Mais ce ne sont que superbes songes de lettres, mots rêvés, confiés à la mer, au vent, au temps.

À Pénélope il dit le désir d’abolir « temps et distance », sans savoir comment. L’espace de séparation est fait aussi de tout ce qu’il a vécu, univers si différent de son lointain verger. Il est déchiré, rêvant de ses arbres et nostalgique de la douceur de la proximité des corps, douloureux de ce qu’il sait vivre où il est, dans ce temps d’hésitation, comme « à côté d’une source sans eau ». Il désirerait revenir, pour trouver peut-être une partielle amnésie, l’oubli des horreurs violentes vécues. Mais s’il croit écouter « ce silence » d’autrefois, il doute déjà, ayant besoin de se rassurer, en imaginant que son rêve de la nuit est un « présage ». Et son dernier paragraphe, s’il y présente négativement son présent loin d’elle, pose les questions qui sont celles des crises de rupture.
« Qu’aurait-il donc fallu pour que je ne vous abandonne pas ? »
C’est dire les manques (car il les cite), donc les savoir.

Dans une autre lettre à Pénélope, qui suit celle au père, il parle du besoin qu’il aura de solitude avec ses arbres, au retour, avant de la rejoindre, elle. Il exprime sa peur de ce que l’absence aura créé de distance charnelle. Encore le doute, qu’il essaie d’écarter en faisant le récit de leur désir passé. A-t-il vraiment encore en lui mémoire du goût d’elle ou veut-il s’en persuader, alors qu’elle est « la dernière question et l’ultime réponse » ?

Au père, Laërte, il promet son retour, l’espère en vie en se fiant encore aux rêves et aux devins. Il lui faut interroger les « bouches d’ombre », comme pour se défaire d’une sourde culpabilité à l’idée de la mort possible du vieux père, sans retour. Il dépeint négativement son errance, « ces illusoires nécessités que fait miroiter le désir de toujours aller plus avant », et « ce long chemin hasardeux ».
Autre lettre. Où le père est celui qui sait son identité mieux que lui-même. Mais justement c’est cela qui s’échappe. Ulysse, aux noms multiples de voyageur, homme de mille rencontres, est aussi Personne, celui qui répondit ainsi par ruse au Cyclope comme à un sphinx du destin. Quelle est la vérité du nom et quoi dire au père pour se dire vrai ? Seulement tracer les pas d’autrefois, reconnaissables. Ulysse-Personne doute de pouvoir dire ce qu’il sait de commun à tous deux. Mais ce non-savoir est plus fort qu’un simple retour à la connaissance de ce qu’il fut. « Je te dirai que je ne sais rien d’autre que ce que je sais depuis toujours ». Comme s’il voulait se dépouiller des mémoires de son errance. Et, là, Michel Diaz dessine un autre portrait. Ulysse errant qui doute et craint. C’est Michel Diaz poète qui pense l’identité, ses masques et ses failles et le rapport au langage, à l’écriture. Car « c’est le mot qui manque qui résonne le plus longtemps entre les parois de son crâne ». Dans la difficulté de répondre au « bruit de la question ». Ulysse rêve d’un contact sans mots. Que sait-on de la vérité de notre parole ? Ulysse « imposteur » devant son père ? L’écrivain imposteur, « volé » (comme Ulysse) par lui-même ? Sauf si l’imposture est alors un chemin d’authenticité. Car se dépouiller d’un masque antérieur passe par une apparente imposture. Le mentir-vrai d’Aragon (j’y pense, alors) fonctionne peut-être de soi à soi pour un chemin de dénuement. Perdre un visage qui fut vrai, pour, mentant, et se mentant, révéler le visage sous le visage, qui sera plus vrai encore. N’est-ce pas le sens de l’itinéraire d’Ulysse ? Oublier sa voix, en créer une autre.
Mais Ulysse doute encore.

De Pénélope il sait l’attente, la longue patience, ou croit pouvoir deviner ce que ce fut. Il espère ne pas avoir à lui parler du « remords de ses trahisons », s’en libérant auprès des arbres du verger, gardant pour elle la possible « tendresse ».

Le verger, quand il en parle à Laërte, c’est pour un magnifique éloge de la nature, celle des arbres, avec ce rêve dont il se souvient, que lui confia son père, de transmigrer en arbre, en figuier peut-être. On pénètre, avec Michel Diaz, dans l’esprit de l’arbre. Racine, tronc, sève et feuilles. On respire arbre. Si Laërte se rêve arbre, Ulysse semble s’identifier à ce rêve de repos non humain, en se glissant dans les sensations d’un olivier, dans le balancement doux du vent et des éléments. Libre de langage, enfin… Fantasme dans lequel nous entrons avec Michel Diaz, ou connexion vraie, et métaphore d’une autre sorte de dépouillement. Car la force du rapport aux mots doit savoir passer par le renoncement aux mots, le silence que le lien avec la nature sait trouver mieux que tout. Et ainsi Ulysse permet une réflexion qui concerne le rapport au langage, et intéresse la création littéraire, au sommet de l’exigence.

Que dire à un fils, qui n’est plus un enfant ?
Que dire à Télémaque ?
La promesse d’un retour et de l’effacement de la blessure du départ. La parole du guerrier conscient de l’indicible qui ne sera pas partagé, affirmant à la fois un devoir accompli et la faillite de tout récit. La mémoire d’Ulysse lui dit presque l’incapacité d’assumer, et, tout en essayant d’exprimer l’espoir d’autre chose, l’impossibilité de redevenir père ou fils. Vient-il lentement à la conscience de l’inéluctable ou le sait-il sans se le dire ?
Et, traduction possible, quand on est déjà loin dans le chemin vers soi-même, que ce soit par le voyage errant ou par l’ascèse de l’écriture (ou, Rilke, par la voie spirituelle qu’est aussi l’écriture), comment rejoindre autrui par le langage des jours loin de l’écrit et des sommets de solitude ?
Le temps passe et le retour s’éloigne. Bateau échoué, île où survivre. Dans cette hâte forcée le verger devient comme un temple que préparerait son fils, et où il renaîtrait. Mais espace qu’il faudrait détruire ensemble. Abattre les arbres abandonnés pour en replanter d’autres. Étrange projection d’un retour où tout effacer, et effacement du retour. Ou élaboration d’un effacement créé en soi par des gestes intérieurs de conscience ?

L’étrange contrée que découvre et décrit Ulysse à Pénélope est troublante, un monde d’eau et ciel dont Michel Diaz fait un tableau (c’est pictural, presque cinématographique) mystérieux. Un monde qui serait un ailleurs où la nature crée un mélange de murs végétaux et d’infini spectral. Ce qui « secrètement » travaille « à la séparation de tout royaume ». Est-ce la nature qu’on voit, ou la représentation d’un cheminement intérieur qui se fait souterrainement dans la conscience d’Ulysse ? Qu’est ce royaume sans « commencement » ni « fin » ?
Celui de la joie possible au retour ?
Ou de la solitude gagnée sur le renoncement ?
Ou de la tristesse malgré tout, mais choisie ?
L’hésitation entre deux états ? Séparation que cet éloignement de soi dans une marche difficile vers on ne sait quoi. Mais volonté « seulement d’aller vers plus haut et plus loin ». Démarche presque mystique d’accès à ce qui dépasse.

Et dans la quatrième lettre au père la tristesse est palpable. Magnifique texte, aussi fort que celui sur la contrée étrange décrite à Pénélope dans la cinquième lettre, ou que celui sur le verger temple à détruire et recréer plus tard, ou celui sur le père et ses rêves d’arbre. Quand il parle de la nature Michel Diaz atteint des sommets de densité visuelle et conceptuelle. On regarde en cinéaste et on médite en philosophe antique, entre Grèce et Chine. Ce texte qu’Ulysse trace sur sa paume, comme il tracerait son nom sur celle de son père, s’il revenait (« dans le creux aveugle de ta paume »…), ce texte décrit un lieu de solitude, « triste, inaccessible aux larmes », mais « où il y a quelque chose de sacré ». Lieu des morts qu’Ulysse croit sentir présents, comme une mémoire figée là. Mais lieu qui le repousse et l’attire. Il erre, ne sachant plus qui être et où aller, « indécision » inscrite dans le lieu et en lui.
Allant peut-être vers « le chemin d’où l’on ne revient pas ». Qui semble être d’abord celui de l’affrontement à la langue, pour l’écoute de ce qui vient d’un monde souterrain, marge fantomatique de l’univers et de soi. Page intense, sur cet appel des mots, ce souffle de « l’imprononçable », « indicible », « ineffable ».
Mais ce lieu, qui a en lui du « sacré », entraîne aussi vers une autre sorte de transmutation. Dépasser ce qui, « inquestionnable présence », est enfoui « sous la cendre d’une inépuisable détresse ». Car il y a le signe qu’est « la lumière », réelle et symbolique.
Et la question centrale :
« Vers quelle région de l’être me conduisent mes pas ? »
J’entends Michel Diaz à travers Ulysse.
Vers quelle métamorphose essentielle conduit l’entreprise d’écriture ?

Ulysse, continuant à s’adresser à son fils, peint un univers effrayant, de silence et de mort. Mais achève sa lettre dans un paradoxal retour à la présence de la parole « qui jamais ne cesse », et à ce qui retrouve une possible « ferveur ».

Hésitation, encore, mots vers Laërte, avec cette conscience de ce qui « toujours nous échappe ».
Et s’adressant de nouveau à Pénélope, il décrit encore un lieu « de désolation », qui est plutôt son espace intérieur, celui de ses « doutes ».

Puis le doute est dépassé.
« Quelle raison », écrit-il à Télémaque, « ai-je de revenir ? ».
Étranger devant des étrangers que le temps a séparés. Peur de la mort en miroir. Conscience de ne plus vouloir que « tourner la page de son passé ».

Basculement. Il est sûr maintenant de ce qu’il se doit à lui-même. Le message envoyé (mentalement) à Laërte est un adieu sans dire adieu. Plutôt une méditation, que les maîtres du zen ne renieraient pas, sur ce « Rien » qui est le renoncement aux masques qui entravent. Plutôt choisir le chemin « vers soi-même », « ce chemin qui ne serait rien d’autre que la voie des dieux ». Le but c’est d’aboutir à soi, dans une plongée intérieure vers son « accomplissement ».

L’identité d’Ulysse c’est l’errance, comme fidélité à soi-même, refusant tout « leurre » qui serait un retour voué au mensonge et à la tristesse. C’est son testament pour son fils, en message de vérité.

Tentant d’apaiser Pénélope il insiste sur le « dépouillement ». Valeur du « nulle part », du « Rien », donnant force, pour ce qu’est « vivre », au « chemin qui va de nulle part à nulle part », « de rien au Rien ». Conscience de notre mesure d’errants éphémères.
Le « rien » qui mène au « Rien » est un chemin de sagesse où être fidèle à soi est l’éthique centrale. On ne peut que rapprocher ce qu’énonce Michel Diaz des sagesses pensant le vide, non comme un trou béant de néant mais comme une dimension de sens, saisie de l’être incernable. Profonde intuition philosophique et esthétique que l’itinéraire qu’il choisit pour son Ulysse.
François Cheng nous guide pour comprendre ce mystère physique et métaphysique. Il nous explique cela dans sa préface au recueil de ses poèmes titré Le livre du Vide médian (Espaces libres, Albin Michel). Renvoyant à la distinction que fait Lao-Tseu (qu’il écrit Lao-zi) dans son Livre de la Voie et de la Vertu (Tao Tö King) sur les trois souffles de la philosophie chinoise (le Yin, le Yang et le souffle du Vide médian, le concept de ce qui est « entre »). Pour François Cheng c’est le refus du dualisme. Et il ajoute ceci : « La pensée ternaire, de fait, est seule capable de nous ouvrir la voie du dépassement ». En quelques pages il rend ces concepts abordables… Et dans un des poèmes du recueil il écrit ceci :
« L’infini que traverse le souffle
du Vide médian
Là est le lieu de vie
Là est le lieu
Là est »

N’est-ce pas exactement ce que le livre de Michel Diaz propose ? C’est la lecture que j’en fais.

« Disparaître, voilà. Disparaître de tout et de soi. »
Mais qu’est-ce que « disparaître », cet horizon présenté comme le sommet du choix de soi ? Rien de triste, est-il dit.
Ne plus revenir, choix d’Ulysse. Donc pour ceux qui le perdent, disparition. Mais c’est bien plus. Un destin assumé, un « accomplissement ». Comme un renoncement au personnage qui joua son rôle de terrien parmi les êtres de sa vie. Mais un accès à l’essence qui touche le Vide des mystiques (pas tout à fait le même que celui du Tao, mais le rejoignant). Au sens de l’essence de l’être, du centre atteint d’un silence dont le vide est densité d’être, pour un homme « délesté de son ombre ».
Celui qui n’a plus d’ombre est toute transparence à la lumière. Que ce soit l’ombre du corps ou celle que Jung veut que l’on cerne en soi…

Cet accomplissement en disparition devient aussi, par cette lecture, un itinéraire d’écriture. Celle capable d’émerger du silence et de la part essentielle de qui écrit. Vers une lumière autre.
Relisant en ce moment Taisen Deshimaru j’ai associé à l’écriture de Michel Diaz un fragment destiné à traduire le sens du zen, sous le titre L’œil de la sagesse.
Peu importe que ce soit par l’assise, ou la marche, ou la contemplation de la nature. Peu importe l’adhésion, ou pas, à telle philosophie, ce que je retiens c’est la longue patience. Comme pour Ulysse le voyage de l’écrivain dans ses mots est un parcours de solitude, sans fin et sans retour. Ce ne peut être autrement quand c’est à hauteur d’exigence.
Voici ce fragment, qui parle de lumière et d’obscurité (autre lien avec l’univers de Michel Diaz) :
« Le chemin qui mène à l’aller est long.
Vraie lumière non illuminée.
Savoir voir la lumière dans l’obscurité »
Voir l’une dans l’autre, et un commencement dans ce qui finit, un commencement dans ce qui n’est que l’approche du départ. Ou l’ombre des apparences qui cachent le vrai visage intérieur.

Ulysse veut « s’incliner au bord du monde ». La mer, ou le ciel, l’autre de la vie. C’est penser la mort et le deuil, la séparation ultime dont on ne revient pas, couronnement de toutes les séparations vécues. Mais « s’incliner » pour peut-être pencher et tomber dans le non-être ce peut être aussi, au contraire, accepter que notre monde ait un bord, celui du « Temps » (avec majuscule, pour le dernier mot du livre) où Ulysse voit se déposer la « cendre » de leurs « yeux ». Cendre de mort et de vie, car mémoire, trace qui demeure de ce qui fut.

Mesure du chemin parcouru, retour en arrière. Il y avait cette « désolation d’une âme » dans « ses doutes », et l’errance entre « ici » et « ailleurs », et des « mots cendreux » luttant contre le temps (sans majuscule) et cherchant « appui sur le silence ». Temps, dernier mot, prend une majuscule car le relatif rejoint l’absolu.

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LIENS…

PAGE sur Michel Diaz sur le site des éds. Musimot…
http://musimot.e-monsite.com/pages/auteurs/de-a-a-g/michel-diaz.html

SITE personnel de Michel Diaz…
https://michel-diaz.com/

Dans l’anthologie « Rencontrer » de Terre à ciel, un très beau poème de Michel Diaz qui traite très personnellement le thème, en lien avec l’essence de la présence d’un arbre, donc sa présence devant l’arbre, et sa rencontre, en même temps, avec lui-même.
https://www.terreaciel.net/Rencontrer-anthologie-proposee-par-Florence-Saint-Roch#.YaAg1ynftPx
Recension précédente, autre livre de Michel Diaz, Lignes de crête… http://tramesnomades.hautetfort.com/archive/2021/04/17/re…

Et je relie l’univers de ces lectures à ma recension (2020) de l’ouvrage de Rainer Maria Rilke, Le livre de la pauvreté et de la mort… http://tramesnomades.hautetfort.com/archive/2020/07/15/ra…

Pierre Fuentes photographe (présentation de son art)…
https://artothequetouraine.com/pierre-fuentes/
Écrit par MCSJuan dans les catégories POÉSIE.poètes, RECENSIONS.livres.poésie.citations.©MC.SanJuan | Tags : michel diaz, le verger abandonné, éds musimot, david le breton, cercle aliénor, ulysse, rainer maria rilke, le livre de la pauvreté et de la mort, jacques legrand, françois cheng, le livre du vide médian, lao tseu, simone weil, edmond jabès, aragon, taisen deshimaru, lieu, exil, rien, vide, vide médian, lumière, silence, poésie, écriture, être, métaphysique, livres, pierre fuentes

La source, le poème : une réflexion de Bernard Fournier

1 réflexion sur « La source, le poème – Michel Diaz/Lionel Balard »

  1. […] Maintenant passons à « La Source, le poème ». Quelle belle métaphore ! Je ne suis pas certain d’avoir déjà rencontré cette alliance de l’inspiration et de la source, du moins de cette façon à la fois très réelle, concrète et très poétique. On a là un souffle évident à longues laisses comme celle-ci où sont évoqués les « consulats de différents soleils « liés aux « milliers d’années » comme aux « chants nouveaux ». On retrouve les pierres et leurs « vertèbres ». Vous parvenez à dire les moments ineffables de l’inspiration, cette « parole imprononçable encore mais constante, simple et soyeuse, où se dit l’éphémère de l’être-au-monde ». « Se dérobe le souffle des mots sur la peau palpitante de la lumière, « Mots à peine » « cherchant une prière » « ces éclats d’indicible murmure, offerts aux lèvres su secret ». Vous avez su dire là ce qui est difficile à cerner. « Ainsi vont ces images […] qui s’écrit sans nous » Et vous demeurez dans l’humilité (ici on devrait dire la fluidité).Texte bref, lui aussi fluide et qui tente de mimer cette fluidité, pour mieux rendre compte de la fluidité, de l’éphémère de la parole. Après la première surprise, le premier éblouissement, c’est vraiment un ravissement que de vous suivre à vau l’eau dans cette quête impossible de la parole, dont on devine cependant qu’elle est là, sous nos yeux, dans l’écriture qui se fait.
  2. Et puis vient Concerto où nous apparaissons presque ensemble dans la « victoire inglorieuse du doute et de l’incertitude ». Quelle précision que « cette heure » dont on ne sait rien d’abord mais dont on devine tout. Où l’on retrouve La source le poème dans la « source tremblée » des « voix jetées sur des jardins fantômes » ; « mais on écrit avec l’absence, comme l’on écrit avec l’eau ». Et j’entends ces belles métaphores, « les hanches du vent », « la friche des jours ». C’est une belle manière de refaire vivre « l’enfant d’une nuit d’Idumée » avec dans le « lever du jour » le « sel tombé des paupières ».Au contraire de mes statues, il me semble qu’il faille, non, vraiment, je m’arrête volontiers à chaque paragraphe/ strophe, pour en éclaircir le sens, en apprécier la teneur. J’aime ces moments où la clarté devient possible, où le brouillard s’efface. Car cette prose aime à retenir le lecteur pour lui susurrer à mots couverts ses secrets. Voilà en peu de mots mon ressenti à la lecture de ces deux textes. Je reçois presque en même temps, un autre opus de cette collection, le texte de Jean-Louis Bernard Marche à contre espace » ; il m’invite même à y participer. Pourquoi pas ? Mais sont-ce des livres à part entière ? en cas je peux aussi en faire un compte-rendu pour Poésie/ première, n’est-ce pas ?
  3. Bien amicalement. Bernard Fournier

Les saisons en poésie – Marie-Claude San Juan

SARASWATI 16. LES SAISONS EN POÉSIE…

Peut être une représentation artistique de arbre et texte qui dit ’SARASWATI REVUE DE POÉSIE, D'ART ET DE RÉFLEXION LES SAISONS Au milieu de Phiver, j'apprenais enfin un été invincible, avait en moi AlbertCamus Camus NUMÉRO16 DECEMBRE2020’

« en ce crépuscule très bleu d’avril, entre toi et le temps, ces questions : est-ce l’instant qui passe et te traverse ou est-ce toi, poussé toujours au dos, le passant d’un instant immobile ? » Michel Diaz, Printemps 1

Estaciones : eterno horizonte, espejo inmenso que rechaza objetivosde futuro o los desdobla, los fosiliza, los aumentaSaisons : éternel horizon, miroir immense qui rejette les buts d’avenir ou les dédouble, les fossilise, les augmenteMiguel Àngel Real, Saisons (traduction du poème en français par l’auteur) Dire les incendies les frimas à venir les saisons déracinées Jean-Louis Bernard (Trois fragments de poèmes publiés dans la revue Saraswati 16, Les saisons).  Les saisons, rythme de nos vies, respiration visuelle de nos paysages, et thème séculaire de la littérature… Le mot déclenche images et émotions, mémoire de moments et de lieux. En couverture, sous une création d’Ève Eden (collage de troncs et de branches), une citation d’Albert Camus (de Retour à TipasaL’Été). Le hasard fait que c’est justement aussi un exergue d’un de mes poèmes, rencontre de lecture, phrase si forte qu’elle s’impose…  Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait en moi un été invincible.

Dans son éditorial Silvaine Arabo, l’éditrice, met l’accent sur le retour cyclique des saisons et renvoie aux notions du Yin et du Yang pour dire ce balancement entre deux polarités qui alternent, l’ombre et la lumière, et développer d’autres correspondances. 

Dans la revue, les poèmes des saisons constituent un ensemble en trois temps. Mais d’autres rubriques enrichissent le tout, pour près de deux cents pages.

L’art est très présent. Autres créations d’Ève Eden, mais aussi pages sur Lionel Balard (peintures, et entretien), Alain Tigoulet (photographies), et une rubrique sur des techniques japonaises, par Claire Berthouin. Ses créations, qui allient textile et végétal, sont très fines, subtiles, et l’on reconnaît l’esprit du Japon passé dans la main et les yeux d’une créatrice occidentale. 

La poésie n’est pas uniquement dans les textes sur les saisons. Présent, notamment, Federico Garcia Lorca, traduit par Annick Le Scoëzec. Suivent des notes de lecture (de Jean-Louis Bernard et Georges Cathalo) et les coups de coeur de Silvaine Arabo (qui m’a offert la joie de recenser Ombres géométriques frôlées par le vent). J’ai repéré des titres dans ces pages, dont deux que je vais mentionner ici.

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Sommaire, suite… 

Je vais d’abord parcourir – et citer – les poèmes des saisons, dans l’ordre. Pour certains auteurs j’évoquerai d’autres œuvres, lues ou à lire, dont un ouvrage découvert dans la revue. Puis je reviendrai en arrière, pour les autres rubriques (art, traductions, aphorismes).

Quelques mentions associées aux citations : deux livres de Michel Diaz, un recueil, Lignes de crête, et un ouvrage sur Ulysse – la note de lecture de Georges Cathalo recensant un ouvrage de Jean-Claude Tardif accompagnant des créations de Jean-Michel Marchetti – la revue de poésie créée par Colette Klein, Concerto pour marées et silence – deux recueils de Francis Gonnet – note sur l’entretien de Lionel Balard avec Silvaine Arabo, ce qu’il dit de sa peinture et du lien avec d’autres arts, dont la poésie, qu’il signe Léon Bralda – regard sur les photographies d’Alain Tigoulet et sur ce qu’écrit Laurent Bayart en marge d’elles – commentaires en marge des citations de Miguel Ángel Real et des traductions d’Annick Le Scoëzec – brève introduction des citations de Silvaine Arabo, aphorismes).

Liens : note qui suit, Lignes de crête, recueil de Michel Diaz  et page de l’édition Alcyone sur ce livre – Miguel Ángel Real, page de Recours au poème et page d’un site en espagnol – Annick Le Scoëzec, page sur une création théâtrale et entretien avec Silvaine Arabo – art, trois liens (Ève Eden, Alain Tigoulet, Lionel Balard). Et TAG (vers notes précédentes) : Saraswati

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Michel Diaz a écrit quatre amples suites en prose, deux sur la fin de l’hiver, deux sur le printemps. Suites est le terme qui m’est venu, car il y a quelque chose de musical dans ces pages fortement terriennes de marcheur.  Regard d’aube, horizon traversé par le passage fugace d’oiseaux, silence à peine habité par un de leurs chants. Après l’aube, le gris du crépuscule. Goût pour l’entre-deux, frontière entre le jour et la nuit, où le regard est plus intense, et, pour qui sait contempler, capable de créer un instant pour « un lambeau d’extase provisoire ».

Citations…

« ce que l’on écoute, c’est ce que nous révèle une urgence de l’âme dans l’instant mis à nu, et ce que l’on entend, c’est la nuit qui pose le pied sur son ombre invisible, une forme, couleur, présence, un fantôme échappé du fond de la pensée, comme on sait que de l’autre côté d’une porte le temps s’est arrêté, une porte qui bat sans fin dans les années, et derrière laquelle on sait qu’on nous écoute

et si nous restons là, un goût de sel au cœur, guettant son ineffable tremblement, c’est que nous requiert une flamme, une mince flamme opiniâtre et son espérance, pour vivre, de ce peu de lumière qui peut, jour après jour encore, augmenter la lueur intérieure de nos silences, en nourrir cette absurde tendresse et immense pitié pour ce qui se lève toujours d’eau bleue, cette promesse enguenillée accoudée aux fenêtres de l’aube »

Fin d’hiver II

. et…

« il t’arrive, souvent, de t’asseoir au bord du chemin et de crayonner sur ton calepin ce que tu crois avoir compris de l’enfance du vent, d’épeler la vieillesse des pierres, de pousser ce soupir qui hausse le plafond du rêve, d’épouser pli à pli la vie jusqu’à sentir les jours pendre à tes cils et sonner leurs grelots, y entendre des voix plaintives monter lentement, lentement »

Printemps 1

De Michel Diaz j’avais justement lu, et aimé, son recueil, Lignes de crête (Alcyone, 2019). Magnifique ouvrage, que j’avais déjà l’intention de recenser, je le fais donc, note suivante car l’espace manque ici…

Dans les coups de cœur de Silvaine Arabo, j’ai remarqué la recension d’un autre livre de Michel Diaz, sur le personnage d’Ulysse, Le verger abandonné. Très intéressée et intriguée. Un fil rejoint ma lecture d’Audisio (notes précédentes)…  (J’en parle un peu plus dans la note suivante).

……

Mes deux poèmes, amples aussi, suivent ceux de Michel Diaz et précèdent une citation de Khalil Gibran puis une création d’Ève Eden, tous voisinages dont je suis heureuse. Deux textes sur l’été, ma saison préférée. Ce qui illumine brûle, et La pluie est un lieu immuable. L’été, mais aussi la mémoire et l’oubli. Et la traversée vers l’autre côté de la conscience.

« L’été est circulaire,

 nostalgique de l’ascension spiralée

 il la prépare en nous,

 la métamorphose en cercles incandescents.

 C’est loin d’être évanescence inventée. »

(…)

« Les mains incendient l’énergétique alchimie,

 symbiose du corps kabbaliste.

 Et c’est ce volcan qui le peut, 

 métaphorique été, 

 fuego. »

Ce qui illumine brûle

. et… 

« Il pleut, et c’est dehors qu’il faut être.

 Déchirer le voile,

 tirer vers soi ce mur de nuages. »

 La pluie est un lieu immuable

  MC San Juan, in Trames nomades